Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du mercredi 27 juin 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Je ferai trois séries de remarques qui m'amèneront à voter pour l'amendement après non pas une hésitation, cher collègue, mais un essai de réflexion.

Première remarque : d'une manière générale, je me méfie de ce qu'on appelle le nominalisme juridique, c'est-à-dire de l'idée très illusoire selon laquelle la suppression d'un mot supprimerait la réalité du mal. Il ne faut pas céder à cette tentation du nominalisme juridique parfois facile, qui est en réalité une forme de moralisme.

Deuxième remarque : nos prédécesseurs les plus éminents ont, eux aussi, beaucoup réfléchi. René Cassin, qui est au Panthéon, est l'une des figures majeures de la construction de l'État de droit en France et dans le monde. Sous sa plume, on lit à l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » Pour lutter contre le racisme, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il ressentait le besoin de mettre ce mot précisément pour le rejeter.

Quelques années plus tard, les rédacteurs de la CEDH tenaient le même raisonnement quand ils écrivaient à l'article 14 : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » Il y a tout de même des hésitations de rédaction, ces « notamment » que nous cherchons plutôt, désormais, à bannir.

Troisième et dernière remarque pour nous, constituants de 2018 : nous devons être attentifs à l'expression des sensibilités. Nous faisons du droit, mais il y a aussi des sensibilités, une évolution de l'opinion, une symbolique du texte constitutionnel. Cela me conduit à voter pour cet amendement après y avoir réfléchi. En réalité, l'essentiel a été dit avec beaucoup de concision et d'élégance juridique dès 1789. Tout est dit, ite missa est, si j'ose dire, dès l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Il n'y a pas besoin de « notamment », d'une espèce de bavardage constitutionnel ou conventionnel. Tout été dit dès 1789.

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