Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 3 juillet 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Nous en arrivons aux articles relatifs au CSA. Il est notamment question, à cet article, des médias placés sous le contrôle d'un État étranger. Ce n'est pas difficile à vérifier, mais cela crée une inégalité devant la loi par rapport aux médias nationaux – j'espère que le Conseil constitutionnel relèvera ce problème.

Sont aussi visés les médias simplement placés « sous l'influence de cet État ». Cela signifie-t-il que l'on pourrait interdire à un blogueur affichant sa sympathie pour la Russie de publier, pour s'être de lui-même placé sous l'influence de cet État ? Personne ne le sait ! Ce sera au CSA – qui est, je le rappelle, composé de personnes nommées par l'autorité politique – de déterminer les contours de ce concept fourre-tout, ouvert à toutes les interprétations politiques.

Cette loi témoigne de l'arrogance de ceux qui imposent leurs certitudes, qui définissent ce qu'est le bien et le mal, qui classent les opinions en deux catégories, supérieures et inférieures. En légiférant sur ce que l'on doit penser, dire, écrire, en imposant le politiquement correct, vous contribuez à l'implosion de vos valeurs, qui ne tiennent que grâce à des échafaudages de lois : hier, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, aujourd'hui, ce texte visant à lutter contre les fake news.

Pensez-vous que les Français soient si stupides qu'ils ne puissent penser ou parler sans qu'un État infantilisant les prenne par la main ? Peut-être au contraire n'avez-vous pas suffisamment confiance en vos propres valeurs ! Cela expliquerait que vous vous sentiez obligés de les encadrer, de les codifier, pour éviter toute surprise.

Vous voulez nous débarrasser de toutes les scories de la pensée humaine : c'est très gentil, mais très peu pour moi ! Je crois qu'il est préférable d'opposer à toutes les déviances de la liberté d'expression notre propre intelligence, plutôt qu'une bien-pensance soufflée par l'État. C'est parce que je crois à l'intelligence des Français que je réclame pour eux le droit d'être incorrects s'ils en ont envie, le droit de ne pas être d'accord avec vous.

C'est pourquoi je demande, par cet amendement, la suppression de cet article.

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