Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du mercredi 4 juillet 2018 à 15h00
Lutte contre les rodéos motorisés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, lorsque viennent les beaux jours, il y a toujours deux catégories de Français : ceux qui attendent ce moment avec satisfaction, prévoyant d'en profiter, et ceux qui l'appréhendent, car il est source de gêne et de désagréments, comme plusieurs de nos collègues l'ont rappelé. C'est dire que la proposition de loi vient à point nommé.

Elle présente plusieurs motifs de satisfaction, notamment le renforcement du cadre répressif de la pratique des rodéos motorisés. Elle prévoit aussi plusieurs peines complémentaires, telles que la confiscation du véhicule, la suspension ou l'annulation du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, une peine de travail d'intérêt général, une peine de jours-amende, l'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur et un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

Autre motif de satisfaction : le fait même que cette assemblée débatte à nouveau d'un texte sur le sujet. En effet, deux constats sont largement partagés sur nos bancs. Le premier, c'est l'ampleur du phénomène, en zone rurale comme en zone urbaine. Les témoignages abondent, transmis par les élus ici présents mais aussi par de nombreux citoyens, notamment les maires qui vivent quotidiennement les désagréments suscités par les rodéos motorisés. Le second, c'est la difficulté qu'éprouvent les pouvoirs publics, notamment les élus locaux, à endiguer le phénomène.

Je me félicite également que le texte vise tout véhicule terrestre à moteur. La nouvelle infraction s'appliquera indifféremment aux véhicules soumis à réception et à ceux qui n'y sont pas soumis, donc aux véhicules homologués et non-homologués. Enfin, il faut saluer le travail de Mme la rapporteure, Natalia Pouzyreff, qui a su référencer les initiatives parlementaires émanant des divers groupes de l'Assemblée et s'en inspirer.

En effet, ce n'est pas la première fois que le Parlement tente de légiférer en la matière. Ainsi, je me souvient qu'il y a deux ans, quasiment jour pour jour, nous adoptions à l'unanimité un texte en première lecture. Il s'agissait d'une proposition de loi défendue par Rémi Pauvros. Elle s'attaquait aux nuisances sonores des deux-roues modifiés et aux rodéos de motocross pourtant interdits de circulation sur la voie publique.

Certes, ce texte ciblait uniquement les deux-roues non homologués, mais proposait un dispositif intéressant, et même, sur certains points, plus complet et plus concret que celui dont nous débattons. Ses principales avancées étaient l'harmonisation du régime des sanctions – il est vrai que le dispositif proposé aujourd'hui procède également de cette exigence – , la confiscation de plein droit du véhicule dès la première infraction – prévue aussi par la présente proposition de loi à titre de peine complémentaire – , l'obligation d'installer un équipement d'échappement silencieux – malheureusement absente de la présente proposition de loi – et l'immobilisation d'un véhicule exagérément bruyant – mesure également absente du texte.

Cela m'amène à formuler deux réserves, en dépit desquelles notre groupe votera la proposition de loi. Répressive, elle n'apporte en premier lieu qu'une réponse partielle. Comme l'a rappelé à l'instant Hervé Saulignac, le texte ne va pas jusqu'au bout des choses en matière de moyens donnés aux services de police et de prévention.

Par ailleurs, il aurait été opportun de prévoir – comme le prévoyait la proposition de loi de Rémi Pauvros – une sanction plus importante pour les véhicules non-homologués. De même, la confiscation des véhicules utilisés lors des rodéos aurait dû être systématique et obligatoire.

Enfin, le texte ne fait nulle mention de mesures visant à limiter ce que l'on pourrait appeler les externalités des rodéos motorisés, telles que le coût de la sécurité, la pollution et la dégradation des biens publics. Penser à la sécurité des contrevenants, qui mettent en danger les autres usagers de la route ainsi qu'eux-mêmes, et à celle des habitants et de leurs enfants, est indispensable. Ne pas aborder le sujet des nuisances sonores de manière plus approfondie et s'en tenir à des règles répressives constitue, me semble-t-il, un manque.

En ma qualité de président du Conseil national du bruit, je rappelle que le coût social du bruit en France est estimé à 57 milliards d'euros par an. C'est un vrai sujet d'intérêt général, qui doit donc être pleinement pris en compte dans les textes dont nous débattons.

À titre d'exemple, un avion au décollage émet un bruit d'environ 140 décibels. Or le seuil de la douleur est fixé à 120 décibels. Une automobile homologuée en émet 80, soit à peu près autant que celui d'un restaurant scolaire. Des véhicules deux roues de type motocross peuvent atteindre 120 décibels à plein régime, ce qui est purement et simplement intolérable, même en zones d'habitat dispersé.

L'exposé des motifs de la proposition de la loi précise que celle-ci sera complétée par des dispositions réglementaires. Je vous demande donc, madame la ministre, de prendre contact avec le Conseil national du bruit afin que celles-ci intègrent cette dimension.

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