Intervention de Mohamed Laqhila

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Ratification de l'ordonnance relative aux services de paiement dans le marché intérieur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMohamed Laqhila :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 8 février, nous avons examiné et voté en première lecture le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant transposition de la directive concernant les services de paiement dans le marché intérieur, plus communément appelée « DSP 2 ».

Les objectifs de la directive sont simples : d'abord, harmoniser les interprétations et applications de la législation dans ce domaine dans les États membres ; ensuite, étendre le champ d'application de la DSP 1 afin de combler les lacunes en termes de normalisation et d'interopérabilité ; enfin, veiller à ce que les nouveaux types de services de paiement soient couverts par le cadre réglementaire.

Toutefois, la simplicité n'implique pas nécessairement le consensus : malgré la clarté et la brièveté du projet de loi initial, l'échec de la commission mixte paritaire nous conduit à nous réunir pour discuter de ce texte en nouvelle lecture.

Sans reprendre point par point les arguments exposés lors de la première lecture, je me contenterai, au nom du groupe MODEM et apparentés, de mettre en avant le sujet qui a constitué une pierre d'achoppement entre notre assemblée et le Sénat, et d'expliquer de façon très simple pourquoi nous voulons revenir au texte initial.

En insérant un article 1er ter A, le Sénat a entendu élargir la responsabilité des prestataires de services de paiement, au titre de leur activité d'initiation de paiement et d'agrégation de comptes, à des comptes autres que les seuls comptes de paiement. Il leur a imposé par ailleurs de souscrire une assurance complémentaire pour ces comptes non couverts par la directive.

Une telle disposition pose au moins deux difficultés. Premièrement, elle encadre des situations qui ne sont pas prévues par la directive européenne DSP 2, alors que la volonté affirmée depuis plus d'un an par notre majorité est de ne pas surtransposer. Ajouter à une loi visant à transposer une directive un dispositif non prévu par cette directive revient à ajouter de la norme à la norme, c'est-à-dire à surtransposer : nous ne pouvons nous en satisfaire.

Deuxièmement, cette obligation d'assurance engendrerait de fait une distorsion de concurrence, car elle ne serait pas applicable aux agrégateurs non agréés, c'est-à-dire à ceux qui ne fourniraient qu'un accès aux comptes élargi. Ce serait le cas même si l'on prévoyait que cette obligation soit d'ordre public et applicable aux prestataires étrangers au titre de leurs activités en France. En effet, pour être opposables à des établissements européens agissant en libre prestation de services, cette disposition doit répondre à des objectifs d'intérêt général au sens du droit européen, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, chargée de l'agrément et de la surveillance des établissements bancaires, a elle-même indiqué qu'elle ne serait pas en mesure de faire appliquer cette obligation qui va au-delà de ce que prévoit la directive. Alors, à quoi bon ?

Enfin, l'obligation de souscrire une assurance complémentaire donne le sentiment d'une certaine sécurité pour l'accès aux données des consommateurs, mais cette sécurité n'est qu'illusoire. Dans les faits, rien ne garantit que la sécurité d'accès aux données soit effectivement renforcée.

Bien sûr, nous partageons la volonté du Sénat de protéger le consommateur en lui permettant, en cas de fraude, de se faire rembourser par le prestataire tiers. Nous ne sommes toutefois d'accord ni avec la solution adoptée par le Sénat, ni avec la méthode choisie pour y parvenir. Pour répondre efficacement à cette question sérieuse, il faut à notre avis plus qu'une demi-mesure votée à la hâte. C'est pourquoi nous rejoignons l'avis éclairé de Mme la rapporteure : ce n'est qu'au niveau européen, et après une analyse approfondie, que des solutions efficaces seront trouvées.

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