Intervention de Frédéric Petit

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 9h30
Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la convention destinée à prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices doit améliorer la cohérence des règles fiscales.

Il a déjà beaucoup été question des entreprises multinationales qui utilisent les différences entre systèmes fiscaux pour payer moins d'impôts, certes légalement mais artificiellement et surtout, osons le mot, immoralement. Il faut rappeler l'histoire de cet accord, parti d'un constat. Il a fallu du temps pour que l'OCDE observe les mécanismes utilisés et réunisse des experts ; ensuite seulement a été rédigé l'instrument. C'est donc le résultat de longues années de labeur que nous examinons aujourd'hui, et c'est aussi pour cela que nous devons faire confiance ; c'est d'abord le fruit d'un travail d'observation de mécanismes, ce qui a son importance.

C'est en 2014 que l'OCDE a remis un premier rapport relatif à l'élaboration d'un instrument multilatéral. Je me permettrai de répondre à notre collègue qui a plaidé pour un passage systématique par l'ONU que nous disposons maintenant d'un outil multilatéral unique remplaçant des accords bilatéraux multiples. Il faut demeurer vigilant sur ces derniers : les conventions bilatérales sont très utiles – en particulier pour les Français de ma circonscription – mais un outil multilatéral est nécessaire pour les encadrer. Nous devons pouvoir appliquer des règles communes sans en passer par la révocation et la réécriture des plus de mille conventions bilatérales existantes.

Il a été question de petit pas, de goutte d'eau. Permettez à l'ingénieur que je suis de parler plutôt de cliquet, notion de mécanique : si ce qui est important dans cet accord, c'est l'effet de monte-charge, le fait qu'on ne reviendra pas en arrière ; que l'on juge le mouvement petit ou grand, en engageant le mouvement, nous allons dans le bon sens et nous ne pourrons pas revenir en arrière.

De manière générale, il s'agit donc de lutter contre l'érosion des bases d'imposition et le transfert de bénéfices. Il n'a pas encore été beaucoup question de l'importance de promouvoir une action souple. Même si j'ai beaucoup aimé la métaphore du labyrinthe de miroirs, il n'y a pas d'autres moyens : il faut de la souplesse, c'est-à-dire, en d'autres termes, du bon sens. Il faut revenir à l'esprit des lois pour lutter contre ceux qui engagent des armées d'avocats pour s'attacher à la lettre des lois. Cet accord permet enfin de dire à une entreprise qui prétend produire des bananes de Jersey qu'elle n'est manifestement installée sur cette île que pour exploiter une faille de la législation, non pour produire des bananes.

Je me permets également d'insister sur l'un des piliers de cet accord qui a été peu évoqué par les orateurs précédents : la transparence. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis très réservé sur l'idée d'attendre l'avènement du gouvernement général de la planète à l'ONU que certains appellent de leurs voeux : le premier effort doit être d'arrêter de jouer à cache-cache pour revenir à la négociation, voire à la fraternité ; c'est possible, c'est la bonne direction, même avec les plus grandes entreprises.

Cet accord est donc souple. Il me semble judicieux que les États puissent définir un niveau d'adhésion variable, en fonction de ce qu'ils veulent protéger vis-à-vis de tel ou tel partenaire. La France, je le rappelle, est l'un des pays qui a exclu le moins de clauses et a choisi le menu le plus contraignant.

Cette convention est évidemment une feuille de route qui établit un ordre de priorité des problèmes à traiter. Beaucoup de systèmes fiscaux prévoyaient déjà des normes mais sans homogénéité ; une évolution à grande échelle a enfin lieu.

Un timing s'impose à nous : après un processus long, qui aboutit à des propositions sérieuses, la convention est déjà entrée en vigueur dans quatre-vingt-deux États. Notre pays s'engage à la ratifier le plus rapidement possible ; l'implication de la France dans cette bataille est un geste fort pour la lutte contre la fraude fiscale.

On nous a parfois taxés de riches faisant des lois pour les riches. Mais, par la signature de cette convention, nous apportons une réponse à un problème international, et nous progressons vers un système international plus juste.

J'ai parfois défendu l'idée, à titre personnel, d'une éducation fiscale, qui serait une branche particulière de l'éducation morale et civique, question évoquée tout à l'heure par Mme la présidente de la commission des affaires étrangères. On ne joue pas avec l'impôt sans mettre en danger la démocratie. Notre mouvement s'est toujours impliqué pour la défense du consentement à l'impôt, instrument de l'intérêt général, notamment pour ce qui concerne les grandes entreprises. C'est donc en toute logique que le groupe MODEM votera en faveur de ce texte et qu'il appelle les autres groupes à en faire de même.

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