Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 15h00
Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu — Présentation

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'état auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, entre le précédent accord et celui-ci, la transition est toute faite puisque le premier contenait un article spécialement consacré à la lutte contre le trafic d'armes légères et de petit calibre. Il s'agit ici d'élargir le sujet puisque nous examinons le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, annexé à la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée. De tels trafics, vous le savez, alimentent le terrorisme, le crime organisé, la violence armée. Ils constituent des facteurs de déstabilisation majeure pour les États et l'on estime qu'ils causent près de 500 000 victimes tous les ans. La France, hélas ! y a été régulièrement confrontée de manière directe et tragique : plusieurs des attentats terroristes qui ont frappé notre territoire ont été commis avec des armes à feu d'origine illicite, dont certaines avaient fait l'objet d'un trafic international.

Depuis les années quatre-vingt-dix, la communauté internationale s'est mobilisée, et plusieurs instruments ont été élaborés, dont le présent protocole adopté par une résolution des Nations unies en 2001. Entré en vigueur en 2005, après sa ratification par quarante États, il compte désormais 114 États parties. Six États membres de l'Union européenne ne l'ont pas encore ratifié ; il était temps que la France n'en fasse plus partie et qu'elle réaffirme son engagement, d'autant qu'elle est très en pointe sur le sujet. Il y a quelques jours, notre pays a présidé la troisième conférence d'examen du programme d'action des Nations unies sur les armes légères et de petit calibre au siège de l'ONU à New York. Cette conférence a permis l'adoption à l'unanimité d'un document final substantiel qui devrait permettre de renforcer la lutte contre les trafics illicites au niveau national, régional et global. Vous le voyez, le Gouvernement tire toutes les conclusions de l'engagement de la France en vous soumettant ce projet de loi de ratification.

Le protocole comporte des dispositions prévoyant l'instauration d'un système de contrôle des transferts d'armes à feu et l'obligation d'apposer des marquages spécifiques et de tenir des registres d'armes. Il organise également l'échange d'informations concernant les acteurs du commerce licite d'armes à feu, mais aussi les éléments pertinents sur les trafics – itinéraires, trafiquants. Il est donc particulièrement utile.

S'agissant de l'articulation du protocole avec le droit existant, je souligne que l'adhésion audit protocole est sans préjudice du droit de légitime défense, reconnu à l'article 51 de la Charte des Nations unies.

Je tiens également à vous signaler que la France applique d'ores et déjà l'essentiel des dispositions du protocole, notre droit ayant évolué en prenant en compte certains de ses éléments. Dans le cadre de sa ratification, la France prévoit toutefois de déposer deux réserves lors de son adhésion, conformément à la convention de Vienne sur le droit des traités.

La première réserve porterait sur la définition des armes anciennes prévue à l'article 3. Dans le cadre de vos débats en commission, le rapporteur a déjà apporté d'importants éléments de réponse aux interpellations des collectionneurs dans vos circonscriptions, que vous avez relayées. Le Gouvernement prévoit de conserver la catégorie « armes historiques et de collection » telle qu'elle existe actuellement en droit français. Il s'agit des armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900 ainsi que de certaines armes possédant un intérêt culturel, scientifique ou historique particulier.

La seconde réserve concerne le marquage des armes à l'importation tel que prévu à l'article 8 du protocole. La France, comme une quinzaine d'autres États, entend conserver sa pratique actuelle qui consiste en l'application d'un poinçon d'épreuve par une institution autorisée, en l'espèce le banc d'épreuve de Saint-Etienne, ce poinçon offrant toutes les garanties de traçabilité et de fiabilité prévues par le protocole. Il se trouve qu'un travail d'harmonisation est mené au niveau européen ; peut-être y aura-t-il des évolutions mais, pour le moment, notre pays en reste au dispositif en place.

Mesdames, messieurs les députés, il importe qu'à travers votre vote, notre adhésion au protocole réaffirme notre engagement en faveur de la paix et de la sécurité internationales, et ce dans tous les cadres multilatéraux. Telles sont les précisions que je tenais à formuler à votre intention pour éclairer pleinement votre vote.

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