Intervention de Delphine O

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 15h00
Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine O :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le 13 novembre 2015, des terroristes islamistes sèment la mort dans les rues de Paris. Au Bataclan, à la Belle équipe, au Comptoir Voltaire, à la Bonne bière et au Petit Cambodge, 130 personnes sont assassinées et plus de 400, blessées. Les armes utilisées par les terroristes sont principalement des fusils d'assaut, des Kalachnikov, comme cela avait été déjà le cas lors des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. Ces armes, achetées en Europe orientale et passées par la Belgique avant d'être utilisées en France, proviennent d'un trafic international, celui des armes légères et de petit calibre, un fléau qui ne connaît pas de frontières et qui touche tous les continents. Comme l'a indiqué le rapporteur, ce commerce illégal concerne chaque année entre 600 et 800 millions d'armes, qui sont à l'origine d'environ 500 000 victimes par an ; il concerne aussi les conflits armés, où 80 % des victimes civiles sont tuées par des armes légères et de petit calibre.

Les États membres de l'ONU ont rapidement identifié la multiplicité des législations et des instruments nationaux portant sur le contrôle de ces armes comme une source de confusion, dont tirent bénéfice les grands groupes criminels transnationaux, et comme un facteur de déstabilisation et de menace pour la sécurité de ces pays.

Suivant les régions du monde, le commerce illicite d'armes est facilité par le défaut de surveillance de l'État concerné, par des phénomènes de pillage ou par des conflits armés persistants. En Afrique, les conflits armés successifs et la porosité des frontières compliquent davantage encore les contrôles. La dissémination de l'arsenal de guerre libyen, amassé pendant les quarante années du règne de Kadhafi et qui comprend des dizaines de milliers d'armes importées durant les dernières années de celui-ci, est une source majeure de déstabilisation. Ces armes sont vendues, à un prix unitaire très bas, à toutes sortes de groupes rebelles ou criminels d'Afrique de l'Ouest.

La majorité des armes trafiquées qui arrivent en France proviennent quant à elles d'Europe centrale et orientale. Les gangs et le grand banditisme sont les principaux acheteurs d'armes venant de ces pays ; la France, l'Allemagne et l'Espagne en sont les premiers pays de destination. Le ministère de l'intérieur estime que depuis dix ans, environ 10 000 armes issues de trafics illégaux sont entrées sur le territoire français en provenance de l'étranger.

Malgré la multiplicité des instruments, le commerce illicite des armes légères et de petit calibre ne faisait jusqu'à récemment l'objet d'aucune réglementation juridiquement contraignante. C'est pour répondre à l'urgence de parer à ce fléau que les États membres de l'ONU ont voulu se doter d'un instrument ambitieux : la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite « convention de Palerme ». À travers ce texte adopté en 2000 par l'Assemblée générale des Nations unies et entré en vigueur en 2003, la communauté internationale a exprimé sa volonté d'y répondre avec force et dans un cadre multilatéral – le seul qui permette de résoudre un problème par nature globalisé. Il est impératif de coordonner les actions en ce sens, que ce soit à l'échelon international avec l'ONU, à l'échelon européen avec l'Union européenne ou à l'échelon national. Cette convention a été complétée par trois protocoles adoptés en 2002 : le protocole contre le trafic illicite de migrants ; le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes ; le protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu.

La convention et le protocole visent à harmoniser les systèmes juridiques nationaux et à faciliter les procédures d'extradition. Plus précisément, les États se sont engagés à adopter une série de mesures de contrôle de la criminalité et à intégrer trois éléments dans leur ordre juridique national.

Seize ans après l'adoption des trois protocoles, il est légitime de s'interroger sur le retard de la France pour adhérer au troisième protocole, qui nous concerne aujourd'hui. Les obstacles administratifs et techniques bloquant cette adhésion ayant été levés dans leur grande majorité, il faut se réjouir de l'examen attendu de ce protocole devant le Parlement.

Malgré ce retard, il convient de noter que la France s'est mobilisée de manière volontariste dans la lutte contre la dissémination illicite des armes, en particulier après les attentats de 2015. Elle est notamment partie à un certain nombre d'instruments juridiques, comme le programme d'action des Nations unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects, adopté en 2001, la stratégie de l'Union europénne de lutte contre l'accumulation et le trafic illicites d'armes légères et de petit calibre, qui a été adoptée en 2005 et qui valorise les actions de coopération vers les Balkans et la bande sahélo-saharienne, et le traité sur le commerce des armes, entré en vigueur en 2014, auquel quatre-vingt-quatorze États sont parties.

Depuis 2015, la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité absolue pour la France. Le combat contre le trafic international d'armes participe de cette lutte. Il n'en est qu'une partie, mais c'est une partie importante. Il est donc urgent d'adopter le projet de loi de ratification qui nous est soumis aujourd'hui.

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