Intervention de Émilie Chalas

Séance en hémicycle du jeudi 5 juillet 2018 à 15h00
Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, depuis le début du processus de décentralisation, la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux fait débat. Ce débat est parfaitement légitime : il questionne l'organisation politique et administrative de la République, dans un contexte actuel marqué par une exigence croissante de lisibilité et d'efficacité de l'action publique.

Ces enjeux ne doivent pas s'assimiler à une guerre de pouvoirs stérile entre les collectivités locales, les intercommunalités et l'État. Ils ne doivent pas non plus se dissoudre dans de vastes querelles techniques déconnectées des préoccupations exprimées par nos concitoyens. Bien au contraire, ces enjeux concernent de façon concrète notre vie quotidienne, car ils sont au coeur de ce que nous avons en partage. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture s'inscrit dans cette perspective. En effet, les compétences « eau » et « assainissement » représentent des services publics exposés à des défis considérables devant lesquels le législateur ne peut rester inerte.

Néanmoins, cette nécessité d'agir ne doit pas conduire à un retour vers le passé. La dynamique de transfert des compétences des communes vers les intercommunalités existe depuis près de vingt ans. La loi NOTRe du 7 août 2015 consolide ce mouvement, en fixant notamment au 1er janvier 2020 la date à laquelle les compétences « eau » et « assainissement » seront obligatoirement transférées à tous les établissements publics de coopération intercommunale.

Je tiens à le dire simplement et clairement à l'ensemble de nos collègues et principalement à nos collègues Les Républicains : il est illusoire de vouloir briser cette dynamique qui répond à des impératifs de long terme, aussi bien sur le plan technique que financier. On ne prépare pas l'avenir en nageant à contre-courant.

Cependant, je suis parfaitement consciente des difficultés que pourrait engendrer le transfert obligatoire de ces compétences à l'horizon 2020. C'est précisément le but que poursuit cette proposition de loi, en permettant d'assouplir les dispositions de la loi NOTRe tout en respectant l'objectif de long terme qui est le sien.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire en première lecture. Je le répète aujourd'hui : ce texte respecte le compromis qui a été dégagé à la fin de l'année dernière par un groupe de travail ayant réuni, à l'initiative de Mme la ministre, huit députés et huit sénateurs de sensibilités différentes afin de résoudre les problèmes que rencontrent certains élus dans la mise en oeuvre de ces transferts de compétences.

L'objet de cette proposition de loi n'a jamais été de supprimer le caractère obligatoire de ces transferts de compétences, mais de les adapter aux spécificités propres aux communautés de communes, afin de garantir un transfert serein et sans précipitation. L'article 1er prévoit à ce titre la mise en place d'un mécanisme de minorité de blocage facilement utilisable pour donner une marge de manoeuvre aux communes membres de communautés de communes souhaitant différer le transfert des compétences « eau » et « assainissement » entre 2020 et le 1er janvier 2026.

Cet assouplissement a fait consensus au sein de l'ensemble des groupes lors de la première lecture. Pourtant, il a été tout bonnement balayé lors de l'examen au Sénat, au mépris des conclusions adoptées par le groupe de travail et signées à l'unanimité de ses membres. Dès lors, comment est-il possible de reprocher à cette proposition de loi de ne pas chercher une voie de compromis ? Je retourne donc les critiques sur la prétendue absence de consensus vers ceux qui les formulent et qui souhaitent, en réalité, abroger purement et simplement les dispositions de la loi NOTRe par lesquelles le transfert de ces compétences à l'échelon intercommunal revêt un caractère obligatoire.

Je le répète une nouvelle fois : à terme, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » vers les intercommunalités demeure indispensable. Il est indispensable sur le plan technique, car la connaissance et la gestion des réseaux d'eau et d'assainissement sont nettement moins satisfaisantes dans les petits services de moins de 3 500 usagers que dans les plus grands, comme en témoignent les résultats des indicateurs de connaissance et de gestion patrimoniale dévoilés en juin dernier par l'Agence française pour la biodiversité à l'occasion des Assises de l'eau. L'évaluation de la qualité et de la performance des réseaux fait apparaître le même constat, ce qui justifie la mise en oeuvre d'une mutualisation des moyens à l'échelle intercommunale en confiant, par conséquent, les compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI.

Cette mutualisation répond également à un défi budgétaire majeur : garantir les moyens financiers nécessaires à la reprise des investissements afin d'assurer la pérennité et le renforcement de l'ensemble de nos réseaux d'eau. C'est naturellement à l'échelon intercommunal que la solidarité entre les territoires doit se développer. C'est ce principe de solidarité auquel nous sommes tous attachés qu'il convient de défendre et de promouvoir, en aménageant, grâce à ce texte, les dispositifs prévus par la loi NOTRe, afin que le transfert de ces compétences se déroule dans des conditions optimales.

Par ailleurs, conformément à la jurisprudence et aux circulaires, la proposition de loi inclut explicitement la gestion des eaux pluviales au sein de la compétence assainissement, les eaux pluviales appartenant ainsi aux compétences obligatoirement exercées par les intercommunalités. Enfin, elle assouplit, car c'est bien le sens de ce texte, les règles de représentation-substitution afin d'assurer une meilleure stabilité des structures de coopération territoriale regroupant en leur sein plusieurs communautés de communes et communautés d'agglomération.

Avec Mme la ministre, je suis animée depuis le début du processus législatif par un esprit de compromis. Les assouplissements que contient cette proposition de loi ont vocation à être complétés au cours de l'examen du texte ce soir. C'est la preuve que le dialogue existe et qu'il peut permettre de répondre au mieux aux attentes exprimées sur ces sujets. Ainsi, en accord avec les groupes MODEM et La République en marche, je présenterai deux amendements d'assouplissement afin, d'une part, de permettre l'exercice du mécanisme de minorité de blocage dans le cas d'un transfert partiel de la compétence assainissement à la communauté de communes, et d'autre part que la gestion des eaux pluviales demeure une compétence facultative pour les communautés de communes, en raison des particularités propres à ces territoires.

Vous le voyez, ce texte respecte un équilibre qu'il n'a pas été possible de préserver lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous rejetons à la fois le statu quo et la surenchère. Instrumentaliser à des fins politiques ces questions essentielles pour les communes est contreproductif et sans issue. Il n'y a pas lieu de rouvrir le débat autour de la loi NOTRe. Il est cependant nécessaire d'en aménager les dispositions afin d'en sauvegarder la portée, ce que cette proposition de loi permettra de réaliser.

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