Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du vendredi 13 juillet 2018 à 9h30
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Avant l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Comment voudrait-on que la France place sous sa seule responsabilité la capacité à régler à elle seule le réchauffement climatique et tout le reste ? Tout cela n'a strictement aucun sens, si ce n'est incantatoire.

Ensuite, sur le fond, nous avons justement voulu n'exclure aucun des pans des problématiques environnementales. C'est pourquoi nous avons souhaité que figurent à la fois la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de l'environnement et la préservation de la biodiversité. Nous avons voulu éviter une sorte d'effet synecdoque qui ferait que, parce qu'on cite seulement l'environnement, on oublie d'autres aspects tout aussi essentiels – c'est un peu le cas, nous l'avons évoqué hier, de la Charte de l'environnement, dans laquelle n'a pas été inclus, lors de sa rédaction, l'enjeu climatique.

Par ailleurs, on nous dit qu'il faut inscrire le principe de non-régression. Celui-ci, tout d'abord, est déjà reconnu par le droit européen, dans le paragraphe 3 de l'article 3 du traité sur l'Union européenne, qui prévoit que l'Union européenne, dont nous sommes un membre fondateur et éminent, vous le savez, « oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur [… ] un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ». Autrement dit, c'est inscrit dans un traité qui nous lie. S'il est donc possible de modifier à l'avenir les règles relatives à l'environnement, c'est seulement pour maintenir ou améliorer le niveau de protection. C'est déjà inscrit et il n'est pas possible de faire autrement. Ainsi, organiser la régression n'est pas possible : il serait donc parfaitement inutile et redondant de revenir, d'une manière bavarde, sur des choses auxquelles nous sommes déjà liés.

De plus, constitutionnaliser pour l'imposer au législateur poserait tout de même un certain nombre de questions.

Sur la forme, ce n'est pas très conforme aux exigences de concision, d'aspect général, de portée générale et de clarté qui s'imposent au pouvoir constituant lorsqu'il modifie la Constitution, a fortiori son article 1er. Je vous engage à songer à ce à quoi ressemblerait l'article 1er si, par mégarde, nous venions à adopter tous les ajouts proposés ; il deviendrait une sorte de litanie, noyant le sens des principes généraux de la clé de voûte de notre ordre juridique dans toute une série de considérations.

Sur le fond, c'est tout de même une manière d'amputer la souveraineté parlementaire, avec un principe de portée incertaine. Qu'est-ce qu'une régression ? Cela veut dire que le Parlement se verrait limité dans sa capacité à agir, en confiant au juge le soin d'apprécier la réalité, en se reposant sur des avis d'experts à l'impartialité parfois contestable, de sorte qu'à la fin des fins, c'est le processus démocratique de délibération que nous affaiblirions en nous en remettant aux experts et au juge. Quel paradoxe, quand on n'a de cesse de nous expliquer, sur les bancs mêmes qui font cette proposition, que la présente révision constitutionnelle serait une victoire de la technostructure ! C'est bien à vous, monsieur Jumel, que nous devons cette saillie ?

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