Intervention de Régis Lebrun

Réunion du jeudi 21 juin 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Régis Lebrun, directeur général de Fleury Michon :

Nous sommes très heureux d'avoir été conviés à cette audition pour témoigner de l'engagement de Fleury Michon et répondre à vos questions. Sans passer par nos instances représentatives, c'est pour nous l'occasion de vous rappeler nos motivations, nos convictions et notre combat.

Vous l'avez rappelé, Fleury Michon est une entreprise française familiale centenaire, qui a traversé beaucoup de crises et d'évolutions. L'essentiel de nos sites de production est en Vendée. Nous y sommes très attachés. Nous possédons d'autres sites en Bretagne et dans le Nord.

Nos principaux produits de charcuterie sont issus du jambon. Mais nous fabriquons également des plats cuisinés frais – différents des plats cuisinés appertisés ou surgelés – et des produits traiteur de la mer – du surimi, fabriqué essentiellement à base de chair de poisson.

Nous employons environ 3 800 collaborateurs, dont 3 500 en France, parmi lesquels 3 000 en Vendée. Nous disposons de huit sites de production en France et d'un centre logistique. Nous réalisons 737 millions d'euros de chiffre d'affaires. Notre internationalisation est effectivement récente puisqu'elle date de 2006. Nous sommes désormais principalement implantés en Espagne, en Italie et aussi au Canada.

Nous sommes la deuxième marque alimentaire distribuée dans les hypermarchés et supermarchés. Nous le mettons rarement en avant car ce n'est pas notre principale caractéristique, mais cela nous donne une responsabilité et nous permet surtout de donner de l'ampleur aux actions que nous engageons.

Quel est notre projet ? Notre entreprise a toujours cherché à fabriquer des produits de qualité. En 2014, avec l'équipe de direction, nous avons décidé de lancer un grand projet intitulé « Aider les hommes à manger mieux chaque jour ». Il ne s'agit pas d'une opération marketing, mais d'un projet qui mobilise nos 3800 collaborateurs, dans la continuité de notre exigence de qualité et avec la volonté de prendre en compte l'évolution du consommateur.

En effet, le rapport entre le consommateur, l'industrie et la distribution a changé. Il est donc nécessaire que le consommateur sache comment nous produisons ce qu'il mange. Mme Barbara Bidan y reviendra : dès 1998, nous avions mis en place une charte qualité, avec l'objectif de réduire les additifs, car nous étions déjà convaincus qu'alimentation et santé sont liées.

Or, depuis peu, le consommateur s'intéresse aussi à ce sujet alors que, pendant quelques décennies, l'alimentation était une variable d'ajustement. Nous souhaitons donc lui apporter une alimentation quotidienne accessible et de la meilleure qualité nutritionnelle possible. Pour ce faire, nous avons pris des engagements. Certes, nous sommes des industriels, mais qu'est-ce que cela signifie ? Monsieur le président, vous l'avez rappelé, vous ne faites pas le procès de l'industrie alimentaire et c'est heureux. Mais, souvent, le terme « industriel » est employé péjorativement dans la presse ou par les consommateurs.

Or produire de façon industrielle, c'est simplement produire en grande quantité. Ce n'est produire pas de la mauvaise qualité : on peut produire en grande quantité des aliments de bonne qualité. En l'espèce, le parallèle avec l'automobile est parlant. D'ailleurs, Joël Robuchon nous accompagne depuis trente-trois ans, non pas dans le cadre d'un partenariat marketing, mais en soutien d'un processus industriel qui génère régularité et sécurité alimentaires. Il nous assiste quasi quotidiennement et participe à une trentaine de journées de réunions par an.

Nous nous battons pour améliorer l'information du consommateur. Vous l'avez souligné à raison, monsieur le président : nous sommes particulièrement exigeants en la matière car, en 2018, il est impensable que le consommateur n'ait pas accès à cette information. Il doit savoir exactement ce qu'il consomme. Dès 2014, nous avons lancé des opérations appelées « Venez vérifier » après avoir pris conscience de la défiance croissante des consommateurs : la seule façon de se faire entendre était de montrer ce que nous faisions. Nous avons donc largement ouvert nos usines et toutes les chaînes d'approvisionnement pour que les consommateurs puissent librement les visiter. Ces opérations sont désormais permanentes. Les visiteurs peuvent filmer, prendre des photos et faire les commentaires qu'ils souhaitent sur les réseaux sociaux, évidemment sans aucune censure de notre part.

Nous sommes également le premier industriel à avoir décidé d'apposer le Nutri-Score sur nos produits. Certes, l'outil n'est pas parfait, mais à la différence de nos principaux concurrents, nous pensons qu'il vaut mieux utiliser un outil imparfait et le faire évoluer, plutôt que de continuer à résister.

L'information du consommateur devrait être un droit fondamental. Je ne sais pas comment cela pourrait juridiquement se traduire, mais il est d'autant plus important de l'affirmer que le lien entre santé et alimentation est désormais clairement établi. Le consommateur doit donc pouvoir faire ses choix en totale confiance et indépendance.

C'est pourquoi nous avions pris position pour les amendements liés au Nutri-Score lors des débats sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Nous avons été choqués que l'amendement concernant l'interdiction de la publicité à destination des enfants pour les produits trop gras, trop salés ou trop sucrés soit rejeté, selon la presse pour des raisons économiques…

Nous avons sollicité cette audition pour vous exposer notre savoir-faire. Nous sommes une entreprise ancrée dans le territoire. L'industrie agroalimentaire est diverse et ses entreprises qui sont très différentes : des multinationales – sans vouloir leur jeter l'opprobre, leur centre de décision n'est pas en France… –, des entreprises de taille intermédiaire (ETI), dont Fleury Michon fait partie – elles ne sont pas toujours représentées mais, pour beaucoup, elles partagent notre point de vue – et de petites et moyennes entreprises (PME).

Le caractère familial de notre entreprise fait de nous des acteurs conscients de leur responsabilité dans l'évolution du mode de vie et de l'alimentation des Français. Nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction l'initiative des États généraux de l'alimentation (EGA), prise par le président de la République. En effet, l'alimentation est centrale dans la vie des gens. Nous sommes convaincus qu'un pays qui s'occupe bien de son alimentation et la fait évoluer dans le bon sens est un pays qui va mieux. Des consommateurs qui vont mieux – et font également plus attention à leur santé – vivent mieux ensemble.

Nous sommes convaincus qu'il est possible d'améliorer la consommation et que les consommateurs sont en avance sur l'industrie, qui n'a pas encore pris en compte la totalité de leurs attentes. Si les industriels ont un rôle à jouer puisque ce sont eux qui mettent les produits sur le marché, le rôle des pouvoirs publics est important également. La définition de normes comme le Nutri-Score est importante parce qu'elle constitue un véritable service pour les consommateurs et qu'elle permet d'éviter de laisser se développer des normes sauvages privées. Enfin, il ne faut pas oublier le rôle de la distribution.

Je pense que nous sommes dans une période de transformation. Quand on dressera le bilan, dans dix ou quinze ans, de l'époque actuelle, on s'apercevra qu'il y a eu une transformation, une révolution de l'offre plus qu'une révolution des circuits de distribution. La distribution a la responsabilité de rendre accessibles les produits – je lui fais confiance en ce qui concerne le prix – en facilitant leur accès dans les magasins. Une famille consomme 80 références environ par semaine, sur 100 000 références disponibles dans un hypermarché. Il faut donc que les distributeurs donnent un accès rapide aux produits et qu'ils soutiennent les entreprises qui sont engagées dans la transformation alimentaire puisqu'il y va de la survie de cette filière, notamment en valorisant les produits. Manger mieux coûte plus cher, produire mieux coûte plus cher, mieux rémunérer les éleveurs coûte plus cher, et avoir une offre de produits frais et au plus près des consommateurs coûte plus cher.

Nous sommes totalement animés par ce projet et ravis de pouvoir répondre à vos questions.

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