Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Christophe Lannelongue, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Grand-Est :

Si notre système de santé va mal, c'est, comme je l'ai dit, parce qu'on a tardé à anticiper une évolution des besoins, mais aussi parce que les mesures destinées à redonner de l'attractivité à l'exercice en médecine générale et dans les territoires ont été mises en oeuvre trop tardivement.

Il serait faux de dire que rien n'a été fait, mais le système possède une forte inertie. À partir de 2002, le numerus clausus est progressivement passé de 3 000 à 8 000, ce qui signifie que le nombre d'internes en médecine augmente très fortement depuis 2008.

Cependant, les difficultés qu'allait provoquer une formation coupée de ses conditions d'exercice futures n'ont pas été mesurées alors, puisque ces professionnels formés à l'hôpital et en CHU allaient exercer à l'extérieur de l'hôpital et du CHU.

Des stages de deuxième cycle, en troisième et quatrième années, ont été mis en place à partir de 2010, mais ce n'est que très progressivement que la totalité des étudiants ont fait ces stages en médecine générale d'une durée de six semaines. L'ensemble des étudiants de deuxième cycle de la région Grand-Est suit désormais ces stages, mais il n'en va pas de même dans toutes les régions.

On peut aussi évoquer le cas des parcours d'internat. Dans le cadre de l'augmentation générale des quotas, le nombre d'internes de médecine générale a beaucoup augmenté, à peu près la moitié des internes étant aujourd'hui en médecine générale. Mais les parcours d'internat de ces étudiants étaient paradoxalement très peu tournés vers leur futur métier, avec un seul stage en médecine générale.

Il a fallu attendre la réforme du troisième cycle, qui n'a démarré qu'en novembre 2017, pour disposer d'une maquette qui prévoie un parcours d'internat en médecine générale comportant deux stages en médecine générale, un stage en pédiatrie, un stage en gynécologie et un stage aux urgences.

Nous avons aussi commencé à mettre en place des mesures qui vont permettre que les jeunes médecins développent des projets professionnels correspondant aux besoins de santé de la population.

L'écart que vous signaliez entre ce qui est nécessaire pour répondre à ces besoins et, l'effort de formation commence donc à se réduire. Mais c'est un travail de longue haleine. Ainsi, les parcours d'internat supposent que des lieux de stage soient ouverts en médecine générale, en médecine de ville et dans des hôpitaux périphériques. Cela requiert qu'on forme des maîtres de stage qui soient stimulants pour les étudiants qui viendront découvrir chez eux des conditions d'exercice très motivantes.

La première raison de la crise du système de santé français est donc le manque d'anticipation du départ en retraite des médecins de la génération du baby-boom. La deuxième raison est que ce phénomène démographique massif est survenu à un moment où le système de santé est devenu très éloigné des besoins de la population, qui ont beaucoup évolué.

Ce décalage se traduit en chiffres. Par rapport à l'Allemagne, nous dépensons trois points de produit intérieur brut (PIB) de plus pour l'hôpital, ce qui est colossal. Cette différence est due à une meilleure organisation des soins primaires et à une meilleure relation entre soins primaires et hôpital en Allemagne, où les hospitalisations sont ainsi moins nombreuses et moins longues.

En France, ce n'est que très tardivement qu'a été pris le « virage ambulatoire », soit un effort massif pour réduire les durées de séjour à l'hôpital en développant les prises en charge ambulatoires, afin qu'il y ait plus d'hospitalisations à domicile. Il s'agit de faciliter et de fluidifier le rapport entre la ville et l'hôpital de façon à ce que, par exemple, une personne âgée qui quitte l'hôpital puisse être accueillie et suivie à domicile avec une coordination des interventions.

Vous m'avez également interrogé sur la relation des ARS avec les élus et la présence de l'État dans les territoires. Je pense être le porte-parole de mes collègues en disant que les ARS se sont assez facilement installées dans le paysage institutionnel et que les relations avec les préfets se sont généralement intensifiées et améliorées.

Certes, des conflits subsistent mais ils sont exceptionnels. Je pourrais donner l'exemple de ma rencontre vendredi dernier à Bar-le-Duc avec la préfète à l'occasion d'une réunion des élus, des responsables de l'hôpital et de l'ARS…

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