Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mardi 26 juin 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Christophe Lannelongue, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Grand-Est :

Monsieur le député, mon impression est entièrement différente.

Le PRS de la région Grand-Est a été adopté à la quasi-unanimité par la conférence régionale de la santé et de l'autonomie (CRSA), avec une abstention et une voix contre, ainsi que par le conseil régional. Pour ce dernier vote, je n'ai plus les chiffres en tête mais je crois me rappeler que seuls deux ou trois conseillers régionaux s'y sont opposés. Ce PRS a également été approuvé par neuf conseils départementaux sur dix et par toutes les grandes métropoles de la région. Je n'ai donc aucunement le sentiment que les politiques régionales de santé soient contestées.

Vous avez cependant raison sur un point : ces politiques régionales n'ont de sens que si elles débouchent sur une capacité d'action en proximité et sur le terrain. Pour l'illustrer, je vais vous prendre un exemple que nous mettons souvent en avant et qui constitue en quelque sorte un cas d'école.

J'ai sous les yeux le schéma cible de renforcement de l'offre de soins de proximité prévu par le Plan d'action de la communauté de communes de la région de Rambervillers, qui regroupe une trentaine de communes pour 14 000 habitants. Celui-ci s'inscrit dans le plan « Vosges Ambitions 2021 » élaboré sous l'égide du président du conseil départemental.

Ensemble, avec les élus et les professionnels de ce territoire, nous avons mis en oeuvre des mesures très concrètes, comme le développement des stages en ambulatoire ou encore celui de l'exercice coordonné en facilitant l'adhésion de la MSP de Rambervillers à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) afin de la faire bénéficier des aides de l'assurance maladie. Nous avons aussi accompagné la révolution numérique, deux EHPAD, une MSP et deux médecins généralistes allant se regrouper pour faire émerger un projet de télémédecine.

Nous avons encore rencontré les médecins de Rambervillers en vue de promouvoir la création de postes d'assistants partagés ville-hôpital et de médecins adjoints, et nous avons développé les coopérations entre professionnels de santé, avec un orthoptiste qui exerce au sein de la maison de santé où est installé un rétinographe.

Je pourrais également citer le dispositif « Action de santé libérale en équipe » (ASALEE) que nous allons étendre, le guichet unique pour les professionnels de santé affiché auprès du territoire, la coordination renforcée entre l'ARS et l'assurance maladie, etc.

Je ne peux donc qu'être d'accord avec vous lorsque vous dites que la transformation du système de santé, les solutions pour résoudre la crise démographique médicale et la réponse aux besoins de santé passent par un travail sur le terrain avec les acteurs.

Concernant la question du rapprochement de l'hôpital avec le secteur privé, je ne vois pas quel problème pourrait poser le fait que des hôpitaux publics réfléchissent entre eux sur les moyens d'un meilleur partage des activités tandis que serait développée la complémentarité de l'hôpital et du privé. L'an dernier, nous avons installé la clinique privée au coeur de l'hôpital public à Saint-Dizier. Nous l'avons également fait à Chaumont et nous allons le faire à Châlons-en-Champagne avant novembre 2018.

Nous nous efforçons donc de maximiser la complémentarité entre l'hôpital public et les cliniques privées. Car une bonne organisation de l'hôpital public, avec des filières et un partage des activités entre les sites, n'empêche aucunement de rechercher cette complémentarité, par exemple sur la chirurgie ou sur les soins de suite et de réadaptation (SSR).

Le développement des consultations avancées est également souhaitable. La télémédecine va faciliter l'accès aux soins spécialisés mais une consultation avancée dans une maison de santé ou dans un hôpital de proximité restera dans certains cas absolument nécessaire.

Pour ce faire, il va falloir surmonter beaucoup d'habitudes, voire de mauvaises habitudes, et en particulier faciliter le déplacement des médecins plutôt que celui des patients. Les maisons de santé et les EHPAD peuvent constituer un cadre pour la mise à disposition de professionnels sur le terrain.

Le lien entre ville et hôpital s'avère crucial, notamment pour la prise en charge des personnes âgées. En effet, beaucoup de problèmes se posent en sortie d'hôpital pour les personnes âgées, avec des réhospitalisations fréquentes, et nous peinons aussi à diminuer les hospitalisations de ces personnes, particulièrement les hospitalisations en urgence.

De façon générale, on constate que le travail sur les filières et les parcours est très difficile sur les cas complexes – les personnes âgées mais aussi les enfants, les adolescents ou les personnes en situation de précarité.

Des plateformes territoriales d'appui (PTA) sont en train d'être mises en place pour prendre en charge les cas complexes. La région Grand-Est sera par exemple couverte de plateformes territoriales d'appui d'ici trois ans. Plusieurs fonctionnent déjà au nord et au sud de l'Alsace ainsi qu'à Reims, et une autre s'apprête à fonctionner dans les Vosges.

Ces plateformes permettent d'embaucher des coordonnatrices spécialisées qui font, pour le compte d'un médecin généraliste, des interventions et de la gestion de cas difficiles. Elles font aussi le lien entre tous les professionnels d'un territoire, dont l'hôpital.

Cette difficulté à mettre en place des soins de proximité et à articuler soins primaires et soins spécialisés est la principale faiblesse du système de santé français. Mais je crois que les nombreuses initiatives en cours vont porter leurs fruits.

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