Intervention de Stéphane Pénet

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 16h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA) :

En ce qui concerne l'impact de l'ouragan Irma sur le prix de l'assurance, je ne peux qu'émettre des conjonctures. Je vous rappelle que ce sont les assureurs qui décident et que la Fédération n'intervient pas dans ce domaine – si elle s'y risquait, elle serait d'ailleurs en infraction. Néanmoins, il est probable que les assureurs augmentent les prix. Reste à savoir jusqu'à quel point.

C'est l'objet même de l'assurance que de mutualiser les risques et, pardonnez-moi cette expression, « d'amortir » des événements tels que ceux qu'a subis Saint-Martin. Comment les amortit-on ? Tout d'abord, les années où tout va bien, sans événements notables - elles sont de moins en moins nombreuses, malheureusement -, les assureurs mettent de l'argent de côté, qu'ils utilisent lorsque survient une catastrophe naturelle. Ils amortissent donc leurs coûts dans le temps.

Ils amortissent également leurs coûts dans l'espace, en faisant en sorte de diversifier les risques selon les régions françaises. Lorsqu'une région est touchée, l'argent d'une autre région, préservée du sinistre, permet de couvrir les coûts de la première. Il y a donc une mutualisation entre les régions, que l'on peut même considérer comme une solidarité dans le cas de transferts importants.

Troisième amortissement, celui de la réassurance, c'est-à-dire, si je puis dire, de l'assurance de l'assurance. Pour le coup, les réassureurs ne mutualisent pas leurs coûts sur la France, mais sur le monde. Ils achètent un peu de risque aux États-Unis, en Asie, en Afrique et en Europe. Ayant diversifié leurs risques, il faudrait que les quatre régions du monde traversent en même temps une mauvaise période pour qu'ils connaissent de graves difficultés. En général, ils parviennent à compenser les coûts de l'une par l'absence de coûts de l'autre. Comme vous le voyez, il existe de nombreux amortisseurs dans l'assurance. Son rôle est précisément de couvrir l'ensemble des risques en les morcelant.

Un événement tel qu'Irma n'en aura pas moins un impact sur les assureurs. En fixant leurs prix, ils font de la segmentation, c'est-à-dire qu'ils ne font pas payer le risque réel, sinon ils demanderaient à Saint-Martin de rembourser les 2 milliards d'euros de coûts, ce qui ne serait plus de l'assurance. Les assureurs reverront donc très certainement leurs prix à la hausse, mais je ne peux vous dire dans quelle proportion.

Cette augmentation pourrait toutefois avoir des conséquences problématiques : 50 % des habitants de Saint-Martin n'étant pas assurés, ne va-t-elle pas accentuer la non-assurance ? Sur ces 50 % de personnes, 20 % pourraient sans doute être assurées. Elles ne le sont pas probablement parce que la culture du risque sur place n'est pas suffisante. Elles choisissent de faire l'économie d'une assurance, certaines qu'elles pourront se débrouiller en cas de catastrophe. Un travail d'éducation au risque est nécessaire dans ces territoires. Les nombreux Saint-Martinois sinistrés après le passage d'Irma ont douloureusement compris la leçon.

La proportion de non-assurés est la même à La Réunion et légèrement inférieure, 30 %, en Guadeloupe et en Martinique, ce qui montre que l'assurance reste insuffisante dans de nombreuses régions ultramarines. Nous devons sensibiliser les habitants de ces îles à la nécessité de s'assurer. Cela permettrait aussi aux assureurs de mieux diversifier leurs risques et de les asseoir sur une base plus large.

Pour conclure : oui, l'assurance va augmenter ses prix ; ces augmentations ne seront pas énormes car l'assurance a pour rôle d'amortir les coûts ; il faut absolument développer la culture du risque en outre-mer.

Quant au fait que la plupart des habitations ne sont pas encore remises en état et qu'un nouveau cyclone pourrait survenir dès le mois de juillet, la règle est claire : les biens assurés continuent de l'être. Soit ils sont en chantier, et c'est le constructeur qui est couvert par une assurance « tous risques chantier » ; soit ils sont en reconstruction, sans chantier et sans permis de construire, et ce sont les biens eux-mêmes qui sont assurés. Dans les deux cas, les assureurs tiendront leurs engagements et, bien entendu, indemniseront de nouveau les dommages liés strictement au deuxième événement. Ce qui aura été décidé pour Irma restera valable et on y ajoutera les éventuels surcoûts générés par le nouveau cyclone.

La situation est donc très claire. Nous sommes là pour réparer. S'il y a un deuxième dommage, il y a un deuxième plafond et une deuxième garantie.

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