Intervention de Florent Boudié

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié :

Au nom du groupe La République en Marche, je voulais d'abord remercier notre rapporteure pour la qualité de ses analyses et son sens du dialogue concernant un sujet qui exige toujours d'éviter de céder à la facilité. La question migratoire interroge le principe de souveraineté, y compris à l'échelle européenne, et le principe de solidarité. Regardant Guillaume Larrivé, je pourrais même parler du principe de fraternité qui a été reconnu la semaine dernière par le Conseil constitutionnel et élevé au rang de principe à valeur constitutionnelle. Ce n'est pas le Gouvernement des juges, monsieur Larrivé, c'est simplement le respect de l'État de droit.

Pour la France et l'Europe, l'application du principe de souveraineté suppose une maîtrise des frontières. Ce projet de loi tend donc à donner à l'État français la capacité de reconduire dans leur pays d'origine ceux qui, n'ayant pas bénéficié d'un titre de séjour, sont en situation irrégulière. C'est bien normal : il en va du respect des lois de la République. D'un autre côté, il faut préserver nos valeurs, en particulier le droit d'asile. Cette articulation est complexe : certains sont tentés par le repli sur soi et la fermeture, tandis que d'autres sont parfois dans l'excès de générosité conduisant à une ouverture non maîtrisée. Telle est la ligne de crête.

Dans ce contexte, nous héritons d'un projet de loi que le Sénat a modifié en adoptant une position quasi ésotérique. D'un côté, il lui a fallu rendre une copie la plus conforme possible à la nouvelle ligne idéologique des membres du groupe Les Républicains, sous la dictée de Laurent Wauquiez. Cette ligne traduit certaines obsessions : l'AME ; la politique des quotas qui ressurgit après beaucoup d'incertitudes et de flou de la part de François Fillon, l'ancien candidat à l'élection présidentielle. D'un autre côté, on verse des larmes de crocodile sur la rétention administrative des mineurs, limitée à cinq jours au maximum, mais sans intervention du juge des libertés et de la détention. On verse des larmes de crocodile sur le délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et on en arrive à ce paradoxe incroyable : le Sénat souhaite ramener ce délai à sept jours pour les « dublinés » et l'étendre à trente jours pour les demandeurs d'asile relevant du droit commun. Alors que le Conseil constitutionnel a reconnu le principe de fraternité, le Sénat manifeste une volonté d'atomiser la réforme du délit de solidarité que nous avions courageusement engagée ici.

Pour conclure, je dirais que nous allons rendre de la cohérence à la politique que nous souhaitons mener. Nous ne serons pas sous l'injonction du groupe Les Républicains et de la droite sénatoriale, nous rétablirons un équilibre. Cela étant, nous sommes bienveillants, attachés au dialogue, au bicamérisme et à l'enrichissement des textes qui peut en résulter. Nous prendrons donc tout ce qui est bon à prendre dans le texte du Sénat, en particulier l'extension à trente jours du délai de recours devant la CNDA. Nous assumerons cette cohérence. Dans un contexte européen très difficile, nous souhaitons que la France assume cet équilibre, cette forme de rationalité entre l'efficacité recherchée, je parlais de maîtrise nos frontières, et ce beau principe de fraternité.

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