Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine continuent à penser que ce texte n'est pas conforme aux engagements pris par Emmanuel Macron quand il était candidat et depuis qu'il est élu. Le Président de la République s'est exprimé sur le sujet notamment devant le Conseil de l'Europe.

Ce texte de durcissement, de rétrécissement, flatte les peurs. Contrairement à ce que disent certains, l'Europe affronte une crise politique et non pas une crise migratoire. Au moment où les gens d'inspiration fasciste ou se revendiquant de cette filiation arrivent au pouvoir dans différents pays d'Europe, on peut se complaire à considérer que ce texte est équilibré. En réalité, il s'agit d'un texte de régression par rapport aux valeurs fondamentales de notre pays. Tant que l'on considérera que l'on peut lutter efficacement contre le fascisme et contre les dérives populistes en abaissant toutes les digues qui permettent de lutter contre ces mêmes dérives, on créera des illusions. Ce texte abaisse les digues, il affaiblit les résistances que notre pays, de par son histoire et ses valeurs, était capable d'opposer à ces dérives.

Nous craignons que ce texte ne soit qu'un élément parmi d'autres de l'affaiblissement de ces digues intellectuelles, et nous considérons qu'il est extrêmement grave. Il est non seulement en rupture avec les engagements d'Emmanuel Macron, mais il est aussi inutile. Notre pays ne manque pas de lois sur le sujet, ne serait-ce que celles, adoptées en 2015 et en 2016, qui sont à peine entrées en vigueur et n'ont même pas été évaluées. En outre, ce texte a été élaboré avec trop peu de concertation. On peut penser ce que l'on veut des multiples acteurs qui traitent le sujet mais ils possèdent une expertise qui aurait mérité d'être davantage prise en compte.

La CMP n'ayant pas été conclusive, nous examinons un texte qui a été durci par le Sénat, ce qui n'est pas une surprise. Je citerais certaines mesures, déjà évoquées par les intervenants précédents : l'instauration de quotas, une vieille lune de la droite ; la réduction de 120 jours à 90 jours du délai de dépôt d'une demande d'asile ; le durcissement des conditions de regroupement familial ; la suppression de la carte pluriannuelle ; la suppression de l'AME ; la suppression de l'assouplissement du délit de solidarité. Sur ce dernier point, j'espère que la récente décision du Conseil constitutionnel nous permettra d'améliorer le texte adopté en première lecture par l'Assemblée. Le groupe communiste, et d'autres d'ailleurs, avaient fait des propositions visant à faire reconnaître ce droit à la solidarité et à la fraternité.

Toujours est-il que nous serons présents, comme nous le faisons à chaque fois, c'est-à-dire de manière constructive. Nous allons présenter des amendements visant à faire en sorte que l'Assemblée nationale ne reprenne pas les durcissements adoptés au Sénat, parfois avec l'accord du Gouvernement – je pense notamment à la réduction de 120 jours à 90 jours du délai de dépôt d'une demande d'asile. Nous souhaitons que l'Assemblée rejette ces durcissements proposés par le Sénat, revienne sur certaines mesures retenues en première lecture. Nous nous insérerons de manière constructive dans ce débat, en nous battant pour une mesure qui nous semble majeure : l'interdiction de la rétention des enfants dans notre pays. Cette rétention contredit toutes les conventions que la France a signées, notamment en matière des droits de l'enfant.

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