Intervention de Ramlati Ali

Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRamlati Ali :

Si vous m'y autorisez, madame la présidente, je vais présenter ensemble les amendements CL258, CL259 et CL260 rectifié.

L'amendement CL258 vise à apporter une précision rédactionnelle. L'amendement CL 259 à l'article 9 quater tend, quant à lui, à préciser que la mention de la situation régulière des parents est apposée, à leur demande et sur présentation par eux des justificatifs pertinents, sur l'acte de naissance de l'enfant. Enfin, l'amendement CL260 rectifié a pour objet d'introduire une disposition transitoire : les enfants nés à Mayotte avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi devront prouver la situation régulière de leurs parents dans une période de cinq ans avant la déclaration ou l'acquisition de la nationalité française. Ces deux derniers amendements sont des ajustements techniques qui tiennent compte des commentaires de l'avis du 5 juin dernier du Conseil d'État sur la proposition de loi de notre collègue sénateur Thani Mohamed Soilihi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers.

Les dispositions de cette proposition de loi ont été introduites au Sénat, sous forme d'amendement, dans le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif. La disposition tendant à exiger une présence régulière sur le territoire de Mayotte d'au moins trois mois pour l'un des deux parents d'un enfant né à Mayotte a ainsi été adoptée. L'échec de la commission mixte paritaire du 4 juillet dernier nous a conduits à déposer, dans le cadre de la nouvelle lecture, ces amendements pour parfaire le mécanisme. À ce propos, je tiens à saluer le Président de la République, M. Emmanuel Macron, qui a officiellement soutenu ces dispositions lors des Assises des outre-mer tenues à l'Élysée le 28 juin dernier, les considérant légitimes au regard de la situation exceptionnelle de Mayotte.

Je tiens également à préciser que ces dispositions ne constituent nullement une atteinte au droit du sol, comme on le dit de manière hâtive ici ou là. Le Conseil d'État le précise clairement dans son avis : il s'agit de modifier, uniquement pour Mayotte, les règles d'acquisition de la nationalité française. La circonscription de cette disposition à Mayotte est une réponse ferme et adaptée à une situation exceptionnelle, due à une pression migratoire sans précédent, que je vais illustrer en citant quelques chiffres de l'INSEE.

Plus de 40 % des adultes présents à Mayotte sont de nationalité étrangère, ce qui constitue la part d'étrangers la plus élevée dans un département français. La moitié d'entre eux sont des migrants illégaux, le taux d'irrégularité étant de 74 % chez les 18-24 ans. Le taux d'accroissement annuel de la population est hors-norme, puisqu'il atteint plus de 3,8 %. Le nombre des naissances a augmenté de 45 % entre 2013 et 2016 et a fait du centre hospitalier de Mayotte la première maternité de France, avec près de 10 000 naissances par an. Les deux tiers des enfants sont nés de mère étrangère et 42 % ont des parents étrangers. Enfin, 94 % des étrangers vivant à Mayotte sont Comoriens.

À ce stade, il faudrait construire une classe par jour pour suivre le rythme de la natalité. Les enfants mahorais subissent déjà un enseignement lacunaire puisqu'on applique un système de rotation – école le matin ou l'après-midi – pour y faire face. En 2012, le Défenseur des droits estimait le nombre des mineurs isolés à au moins 3 000 ; il serait aujourd'hui de près de 6 000. Enfin, Mayotte, dont la superficie est de 374 kilomètres carrés, est le territoire français, hors Ile-de-France, à la densité la plus forte, avec 690 habitants au kilomètre carré.

La situation sanitaire est inacceptable et indigne d'un territoire de la République française ; 40 % des patients soignés au centre hospitalier de Mayotte viennent des Comores. Les conséquences humaines et les catastrophes humanitaires attestent de cette situation déplorable qui n'offusque plus personne. La semaine dernière encore, cinq personnes sont décédées en essayant de rejoindre Mayotte. Malheureusement, cette situation inacceptable est devenue banale.

Il ne s'agit pas pour moi de dresser un inventaire à la Prévert. Je tenais simplement à vous expliquer brièvement les motifs de ces dispositions, qui sont légitimes. Il ne s'agit ni de xénophobie ni de lutte intracommunautaire, comme je l'entends trop souvent, mais de la prise en compte d'une situation aux conséquences graves qui freine le développement socio-économique d'une terre de la République française.

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