Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mardi 12 septembre 2017 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Plutôt que de poser une question, j'aimerais faire une intervention à caractère général sur le texte de loi, en commençant par rappeler que notre pays s'est doté de six lois antiterroristes depuis 2012, et que c'est donc la septième loi de ce genre qui nous est soumise aujourd'hui. Le fait de revenir aussi régulièrement sur le même sujet montre, à mon sens, que l'on n'aborde jamais les vrais problèmes, ou que l'on n'y apporte pas les bonnes solutions. Cela me semble être malheureusement encore le cas avec ce texte, qui tient surtout de l'affichage, avec la pérennisation dans l'État de droit des mesures d'exception de l'état d'urgence.

En procédant de la sorte, nous ne posons pas les questions qui seraient pertinentes pour lutter contre la commission d'actes terroristes, notamment celle des moyens financiers et humains accordés aux services de renseignement, celle de la traque de l'argent servant au financement du terrorisme – en particulier dans le cadre des paradis fiscaux –, celle des alliances stratégiques nouées par la France avec des États qui encouragent la commission d'actes terroristes, ou encore celle de la participation de la France à la déstabilisation de régions entières du fait de décisions prises par des présidents de la République sans contrôle du Parlement, contrairement à ce que prévoit l'article 35 de la Constitution.

Par ailleurs, les mesures d'exception de l'état d'urgence vont perdre en efficacité en même temps qu'elles vont perdre leur caractère d'exception, car les personnes souhaitant commettre des actes terroristes vont pouvoir contourner plus facilement des dispositions qu'ils connaissent bien.

Un bilan des mesures d'exception passées dans le droit commun, notamment aux États-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001, montre que les facilités accordées à l'exécutif se sont révélées inefficaces, voire contre-productives. En effet, le fait de revenir sur notre État de droit constitue une victoire morale pour nos adversaires, et les mesures intégrées au droit commun sont dévoyées pour entraver l'action syndicale ou la défense de l'environnement, voire d'autres formes de mobilisation nécessaires à la vie démocratique. Nous portons donc atteinte à l'État de droit en permettant de faire subir indûment des atteintes à la vie privée, des mesures vexatoires ou simplement arbitraires à nos concitoyens qui, de ce fait, ne trouvent plus dans la République la sûreté qu'ils sont en droit d'en attendre.

La logique générale de ce texte est celle d'un approfondissement de ce que certains appellent déjà une « démocrature » à propos de pays que nous jugeons d'habitude avec sévérité. Parallèlement au coup d'État social que représentent les ordonnances relatives à la réforme du code du travail qui, si nous ne les empêchons pas, feront vivre les salariés dans la crainte de l'arbitraire d'un licenciement abusif jamais véritablement puni, ce texte constitue une autre façon de saper l'État de droit, qui est justement ce que nos ennemis cherchent à abattre.

Je voudrais conclure en vous rappelant l'avertissement lancé par un penseur insoupçonnable à vos yeux, le libéral Benjamin Constant, qui, il y a deux cents ans, disait déjà : « Lorsque l'arbitraire frappe sans scrupule les hommes qui lui sont suspects, ce n'est pas seulement un individu qu'il persécute, c'est la nation entière qu'il indigne d'abord et qu'il dégrade ensuite (…) L'arbitraire est dangereux pour un gouvernement considéré sous le rapport de son action ; car, bien qu'en précipitant sa marche, il lui donne quelquefois l'air de la force, il ôte néanmoins toujours à son action la régularité et la durée ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.