Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Présentation

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

… en particulier le titre Ier qui libère les leviers d'acquisition des compétences que sont la formation initiale et continue.

Tout en veillant à sécuriser juridiquement et opérationnellement la phase de transition des systèmes de l'apprentissage et de la formation professionnelle, vous avez ainsi confirmé votre détermination à mettre les jeunes et leurs familles, les entreprises et les actifs au coeur de ces systèmes.

Cela passe par l'introduction de dispositifs souples et ainsi réactifs. Je pense bien sûr à la création libre des CFA – centres de formation des apprentis – sur tous les territoires, à la possibilité d'entrer en apprentissage jusqu'à l'âge de 29 ans révolus – contre 26 aujourd'hui – , à la nouvelle définition de l'action de formation, qui permet d'inclure des formes innovantes de formation. Je pense aussi au dispositif puissant de reconversion et de promotion par l'alternance, baptisé « Pro A », que vous avez créé. Vous avez remis, si vous me permettez cette expression, les « acteurs au volant » en réaffirmant des dispositifs lisibles, accessibles et plus justes.

Je pense également à la monétisation du CPF – compte personnel de formation. Les droits augmentés seront de 500 euros pour tous, par an, et 800 euros pour les moins qualifiés, soit respectivement 5 000 et 8 000 euros sur dix ans. Par ailleurs, les personnes à mi-temps, qui sont à 80 % des femmes, bénéficieront du même abondement annuel que les personnes à temps plein.

Je salue l'introduction que vous avez faite en première lecture d'une clause de revoyure, qui permettra de garantir dans le temps l'actualisation régulière des droits acquis. L'accessibilité, c'est aussi l'application numérique du CPF mais soyons clairs : s'appuyer sur les nouvelles technologies pour faciliter l'accès aux droits ne signifie pas s'exempter de tout accompagnement humain, bien au contraire. Ainsi, tous ceux qui le souhaiteront pourront disposer d'un conseil en évolution professionnelle gratuit, enfin financé par la mutualisation.

Par ailleurs, soulignons la simplification massive induite en matière d'apprentissage par la mise en place du coût au contrat ou encore la fusion des multiples aides aux apprentis, dont la rémunération, je le rappelle, sera augmentée et l'autonomie renforcée grâce à l'aide de 500 euros pour le permis de conduire.

Vous avez rétabli des dispositifs plus transparents et garants d'un haut niveau de qualité des formations, notamment au travers d'une meilleure orientation grâce à la transparence des taux de réussite et d'insertion professionnelle, grâce au rôle renforcé des régions en la matière et à l'amplification de la logique de passerelles entre apprentissage et statut scolaire, ainsi que le développement de campus des métiers regroupant toutes les filières.

La qualité de la formation passera aussi par la co-écriture des titres et diplômes professionnels par les partenaires sociaux des branches et par l'État. La mise en place des opérateurs de compétences, dont les missions seront recentrées sur le conseil et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et le conseil aux TPE et PME, font partie de ces dispositifs indispensables.

Enfin, la création de France compétences, organe quadripartite – État, régions et partenaires sociaux – , permettra de mieux réguler le système grâce à la certification des organismes de formation et des CFA. S'agissant de ses compétences en matière de péréquation financière, France compétences assurera la répartition entre les branches et les opérateurs de compétences auxquels elles adhèrent, mais aussi le versement des montants financiers aux régions au titre de l'apprentissage. Les régions, qui siègent dans France Compétences, disposeront d'une dotation complémentaire dédiée à l'aménagement du territoire. Elle aura vocation à compléter, dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la ville, le coût au contrat, dont nous considérons que les éléments constitutifs précis ne relèvent pas du niveau législatif.

Enfin, vous avez renforcé l'ouverture sur l'international en favorisant le développement d'Erasmus pro et l'expérimentation de mobilités océaniques en outre-mer. À cet égard, je tiens à rappeler ma proposition de travailler avec l'ensemble des députés ultramarins pour adapter les dispositions de ce projet de loi aux différents contextes locaux.

En somme, mesdames et messieurs les députés, vous avez réintroduit dans le texte des systèmes où l'ensemble des acteurs, qui sont à leur place et sont responsabilisés, permettront de garantir l'effectivité des droits que nous créons. Cette philosophie est aussi au coeur des nouveaux dispositifs d'accompagnement au retour à l'emploi de nos concitoyens qui ont perdu leur travail, car ils demandent et ont besoin de bien plus qu'une simple rémunération. Les aider à retrouver plus rapidement un emploi, c'est, chez Pôle Emploi, le sens de l'expérimentation du journal de bord et des nouvelles modalités d'appréciation de l'offre raisonnable d'emploi, ainsi que la révision des contrôles et des sanctions.

C'est aussi le sens de la création de nouveaux droits pour les salariés démissionnaires et les indépendants. Ils bénéficieront, sous certaines conditions, du filet de sécurité de l'assurance chômage. En ce sens, vous avez veillé à rééquilibrer les ajustements qui avaient été opérés au Sénat car il est essentiel d'apporter une sécurité financière supplémentaire et d'esquisser une nouvelle protection sociale active qui sécurise les mobilités sur le marché du travail et prenne en compte la diversité croissante des statuts au cours d'une vie professionnelle.

Aussi, je me réjouis que vous ayez rétabli en commission les dispositions relatives aux travailleurs des plates-formes, qui s'inscrivent à la fois dans notre démarche d'universalité progressive et dans notre volonté de ne laisser personne s'enfermer dans une activité si elle ne correspond plus à ses attentes.

Ouvrir à tous le champ des possibles, c'est aussi ce qui a motivé votre vigilance particulière à sécuriser toutes les dispositions introduites en première lecture en faveur d'une politique de l'emploi inclusive et au service de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Outre votre attention permanente à garantir une meilleure prise en considération des personnes en situation de handicap dans les systèmes de l'apprentissage et de la formation continue, vous avez adopté en séance puis en commission en nouvelle lecture l'ensemble des dispositions issues de la concertation avec les partenaires sociaux et les associations, que j'ai menée en parallèle de la discussion de ce projet de loi avec ma collègue Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée du handicap.

Ces mesures s'appuient également sur la mission de votre collègue député Adrien Taquet, ainsi que celle de Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Nous devons – et vous avez été au rendez-vous – mobiliser tous les dispositifs de droit commun et faire en sorte que l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés soit le vrai levier pour l'emploi direct des personnes handicapées, dont je rappelle que 500 000 demeurent inscrites à Pôle Emploi.

Aussi, je me félicite que vous ayez confirmé l'inscription dans ce projet de loi des dispositions historiques contenues dans l'engagement « Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022 » que nous avons signé jeudi dernier avec les entreprises adaptées.

Vous avez ainsi notamment approuvé la possibilité d'expérimenter le « contrat tremplin », c'est-à-dire d'ouvrir la possibilité aux entreprises adaptées volontaires de proposer des parcours de 24 mois au maximum de remise à l'emploi pour accéder ensuite à un emploi dans d'autres entreprises. De même, vous avez donné votre feu vert à l'expérimentation d'entreprises adaptées de travail temporaire. Il s'agit de faire émerger des spécialistes du travail temporaire et du placement tournés vers les intérimaires en situation de handicap. Vous avez enfin créé les conditions d'un meilleur accompagnement des personnes mises à disposition dans des entreprises ordinaires en vue de leur recrutement.

Grâce à ces mesures, je suis persuadée que nous allons changer d'échelle en la matière et donner tout leur sens à nos valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. Rien que pour les dispositions relatives aux entreprises adaptées dans ce projet de loi et l'effort budgétaire en projet de loi de finances, ce sont 40 000 personnes handicapées de plus, chaque année, qui ne seront plus enfermées dans le chômage mais pourront travailler dans une entreprise, soit le doublement de la capacité actuelle !

Changer d'échelle en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, c'est aussi ce que vous avez réaffirmé en nouvelle lecture en confortant les avancées majeures issues d'une intense concertation avec les partenaires sociaux, menée avec ma collègue Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ces mesures, dont celle puissante de l'obligation de résultat quant à l'égalité salariale à travail de valeur égale, s'inscrivent dans l'engagement présidentiel de faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat.

S'agissant de la prévention du harcèlement, vous avez confirmé les mesures de formation, de sensibilisation et responsabilisation de l'ensemble des acteurs.

Le dernier élément qui témoigne de votre volonté renforcée de permettre à chacun de s'émanciper, c'est votre détermination à donner tous les moyens aux acteurs de lutter efficacement contre l'enfermement dans le travail précaire ainsi que de développer l'emploi durable et de qualité. Car, rappelons-le, aujourd'hui les contrats courts représentent 87 % des embauches et ces contrats sont de plus en plus courts – un tiers des CDD durent une journée, voire moins ! – et ils correspondent très majoritairement à des réembauches chez le même employeur. Depuis trente ans, la proportion de CDD de moins d'un mois dans l'ensemble des CDD est passée de 57 % à 83 %. Comment construire sa vie lorsqu'on ne sait pas si l'on sera encore en emploi demain ?

Pour y remédier, vous avez d'une part rétabli en commission l'article 29 qui permet d'introduire un nouveau critère de modulation du taux des contributions patronales d'assurance chômage. Il s'agit d'un système de bonus-malus, dont vous aviez précisé qu'il pouvait prendre en considération le secteur d'activité ; et s'agissant du secteur de l'intérim, imputer les missions d'intérim aux entreprises utilisatrices, pour les responsabiliser dans la lutte contre la précarité excessive.

Mais cette lutte contre le travail précaire réclame d'adopter une réforme globale et cohérente de notre système d'assurance chômage. Car à l'heure actuelle, les règles de l'assurance chômage favorisent l'installation de certaines personnes dans le chômage de longue durée, et ne responsabilisent pas suffisamment les employeurs. Il faut donc faire évoluer ces règles.

Ceci réclame également d'impliquer dans cette refonte du système, les partenaires sociaux, dont les responsables nouvellement élus ont exprimé récemment le souhait d'un agenda social ambitieux. C'est pourquoi, comme annoncé par le Président de la République devant le Congrès, puis présenté aux partenaires sociaux lors de la multilatérale du 17 juillet dernier, le Gouvernement souhaite leur confier le soin de négocier de nouveaux accords d'assurance chômage sans attendre l'échéance de l'actuelle convention, en septembre 2020. Cette négociation se fera sur la base d'un document de cadrage soumis à concertation préalable des partenaires sociaux. Elle visera notamment à faire évoluer les règles actuelles pour mieux lutter contre la précarité, responsabiliser les employeurs, inciter les demandeurs d'emploi au retour à l'emploi et revoir l'articulation entre assurance et solidarité, en ouvrant aux partenaires sociaux la possibilité de mieux prendre en considération le chômage de longue durée dans l'indemnisation des demandeurs d'emploi.

Cette possibilité d'élargir le champ et de privilégier l'intervention des partenaires sociaux sans rien céder, pour autant, quant aux objectifs de réforme que nous poursuivons concernant l'assurance chômage, le Sénat l'a rejetée. Mais parce que le chômage ne peut pas et ne doit pas être le seul horizon de millions de Français, cette possibilité, vous l'avez saisie et résolument actée en commission en nouvelle lecture, ce que je salue.

Mesdames, messieurs les députés, « le présent n'est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l'action », écrivait Simone de Beauvoir. C'est pourquoi je vous invite à cet instant à choisir d'agir pour que le présent de chacun de nos concitoyens, jeune, demandeur d'emploi, salarié, ne soit plus dicté par son passé, mais par la conviction qu'il pourra, quelle que soit sa condition, conquérir l'avenir.

Soyons donc résolus à agir pour permettre à chacun d'avoir les moyens de construire librement, beaucoup plus qu'aujourd'hui, sa propre voie de réussite professionnelle grâce aux protections collectives, c'est-à-dire de choisir l'espace dans lequel il pourra avoir davantage confiance en lui, oser s'engager dans des projets, exprimer tout son talent, le transmettre et contribuer ainsi à la société toute entière en bénéficiant d'une solidarité tout aussi entière.

Créer cet espace d'émancipation sociale par le travail et la formation, qui donne sa chance à chacun, c'est le gage de notre prospérité économique et de progrès sociaux collectifs. Telle est l'ambition du projet de loi que nous avons à ce jour construit ensemble, que nous consoliderons ces prochaines heures et dont nous veillerons ces prochains mois, en l'évaluant attentivement, à l'effectivité de la mise en oeuvre.

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