Intervention de Catherine Fabre

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Fabre, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, un mois après son adoption à une large majorité en première lecture, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est de retour devant notre assemblée pour une nouvelle lecture.

Ce nouvel examen résulte de l'échec de la commission mixte paritaire lundi dernier, illustrant l'écart qui sépare nos deux assemblées dans l'approche de ce projet de loi. En dépit d'échanges de qualité avec les rapporteurs du Sénat, l'ampleur des divergences aura rendu inévitable ce retour en nouvelle lecture.

Ainsi la réaffirmation du rôle des régions par les sénateurs bouleverse l'équilibre issu de nos travaux en première lecture en matière de gouvernance de la politique d'apprentissage. La déconcentration vers les premiers acteurs concernés que sont les apprentis, les centres de formation et les branches professionnelles, à qui l'on souhaite confier plus de responsabilités, a été profondément remise en cause par l'adoption à la fois d'une stratégie pluriannuelle définie par le conseil régional et opposable aux branches ainsi qu'aux opérateurs de compétences et de l'octroi aux branches et aux régions d'une compétence conjointe sur ces mêmes enjeux.

Ainsi le message de cette réforme de l'alternance doit rester clair : nous avons besoin des régions sur l'orientation, pour définir des orientations dans le cadre du contrat de plan régional de développement de la formation et de l'orientation professionnelles – je défendrai un amendement de clarification sur ce point – , pour ajuster les financements lorsque le développement économique ou l'aménagement du territoire l'exige. Mais nous souhaitons simplifier les financements de l'alternance, les confier à un collecteur unique, assurer un financement pour chaque contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, mieux éclairer les choix des jeunes et laisser les organismes les plus performants se développer, sans contrainte autre que qualitative.

La gouvernance de la formation professionnelle a elle-même fait l'objet d'aménagements que notre assemblée avait rejetés à une large majorité en première lecture. Plusieurs dispositifs retenus au Sénat revenaient aux écueils du passé, que l'on pense à la compétence confiée aux régions pour désigner les opérateurs du conseil en évolution professionnelle – alors qu'il s'agit d'une mission clé de France compétences – ou à la création d'un conseil d'administration pléthorique de cette nouvelle institution.

Nos travaux en commission ont donc permis, en toute logique, de rétablir les principales avancées retenues par notre assemblée en première lecture puis supprimées par le Sénat. Ont ainsi été restaurés le rôle central de la plate-forme numérique du compte personnel de formation, l'harmonisation des critères qualité entre France compétences et les instances d'évaluation de l'enseignement supérieur, la répartition claire des compétences sur l'apprentissage et l'orientation, le ciblage de l'aide unique à l'apprentissage ou des critères plus souples de fixation du niveau de prise en charge des contrats d'alternance par la branche. À l'inverse, nous avons supprimé – nous en tenant à une position constante depuis la première lecture – les ajouts du Sénat relatifs à une gestion internalisée du compte personnel de formation par les entreprises ou à la formation des enseignants alors que celles-ci relèvent du pouvoir réglementaire, ou encore à la gouvernance de l'apprentissage déjà évoquée.

Ces divergences entre nos deux chambres ne doivent pas nous faire perdre de vue certains points d'accord contrastant d'ailleurs, pour certains, avec les positions exprimées par l'opposition dans notre hémicycle. Je pense ainsi à la monétisation du compte personnel de formation, au champ du plan de développement des compétences, au renforcement des compétences régionales en matière d'orientation, au déverrouillage de l'offre de CFA ou encore à la nouvelle architecture financière. Ces points d'accord nous confortent dans les choix exprimés en première lecture et mériteront en toute logique d'être maintenus jusqu'au terme de la navette.

Au moment d'entamer nos débats en séance publique sur un projet de loi comportant encore 98 articles en discussion, il est indispensable de réaffirmer notre attachement à la liberté des actifs dans la définition de leur parcours professionnel. La formation ne doit pas être prescrite à un individu passif et spectateur mais elle doit être choisie de manière éclairée et engagée pour que chacun puisse accéder à ces droits, et non pas toujours les mêmes, à savoir les cadres des grandes entreprises. Liberté enfin pour les jeunes avec lesquels il faut en finir d'une orientation par l'échec, plébisciter au contraire la découverte des métiers afin que la formation par alternance soit reconnue à sa juste valeur. Ce qui se joue, c'est la promesse républicaine de mobilité sociale, c'est la fin du déterminisme social. C'est donc un enjeu majeur.

Pour y parvenir, gardons à l'esprit trois fils conducteurs qui resteront tout aussi nécessaires lors de l'application de la loi. Le premier principe est celui de la lisibilité et de la simplification de notre système de formation professionnelle. Dans un paysage historiquement intermédié, où l'éclatement institutionnel n'a d'égal que la multiplicité des normes et l'instabilité juridique, un grand exercice de clarification ne pouvait plus être laissé de côté.

Le deuxième principe est celui de la confiance, confiance dans la capacité d'agir. Il est fondamental de lever les verrous qui freinent la construction par chacun de son projet professionnel tout en proposant un accompagnement à ceux qui en ont besoin et aux publics prioritaires. Confiance aussi dans la capacité des CFA et des entreprises à développer l'apprentissage tout en accompagnant les jeunes sur la voie du succès.

Le troisième principe n'est pas le moindre puisqu'il motive les deux premiers. C'est celui de l'effectivité des droits, car, mes chers collègues, créer des droits sans s'assurer de leur opérationnalité ou de leur appropriation est une tentation du législateur que nous devons abandonner. Il nous revient de créer les conditions du succès de dispositifs imaginés par les partenaires sociaux – que l'on pense au compte personnel de formation ou au conseil en évolution professionnelle – et de garantir leur déploiement au quotidien, sur l'ensemble du territoire national.

Je pense d'ailleurs que ces principes sont partagés sur la plupart de nos bancs. Ils ont également irrigué les deux accords nationaux interprofessionnels du 22 février 2018 et, depuis, ont été soutenus avec force et conviction par Mme la ministre du travail, dont je tiens à saluer la constance de l'engagement et de l'investissement pour concrétiser la promesse d'égal accès à la formation professionnelle et à l'emploi.

Nous ne le rappellerons jamais assez : nous devons combattre le paradoxe français. Alors que les difficultés d'embauches sont le premier frein des entreprises dans notre pays, la France affiche par ailleurs un taux de chômage structurel proche de 9 %. Face à un taux si élevé et persistant, le dernier rapport annuel de la Banque de France fait de la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage l'une des deux réformes dont l'impact peut être profond. Ainsi cette réforme est-elle essentielle pour l'avenir des Français.

Je suis donc très fière de défendre ce texte – dont nous accompagnerons les effets dans le temps – auprès de mes collègues. Alors, dès maintenant, chacun dans nos rôles respectifs, faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que dès le 1er janvier prochain, date d'entrée en vigueur de la majorité des dispositifs prévus par le projet de loi, chacun de nos concitoyens puisse devenir acteur de son parcours professionnel et s'épanouir pleinement par le travail et la qualification !

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