Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du lundi 23 juillet 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Les amendements adoptés par le Sénat visaient en effet, conformément au voeu maintes fois exprimé par le groupe UDI, Agir et indépendants, d'améliorer l'équilibre entre les régions et les branches en matière d'apprentissage et de formation professionnelle.

Ils visaient également, d'une manière générale, à renforcer le rôle des régions. En matière d'orientation, le texte adopté par le Sénat leur permettait ainsi de mettre en place avec l'État un comité régional de l'orientation chargé de coordonnerles organismes participant au service public régional de l'orientation. Il posait par ailleurs le principe d'un pilotage partagé, entre les régions et les branches professionnelles, du système de formation professionnelle et de l'apprentissage. Cette modification établissait clairement les bases d'un partenariat entre les régions et les branches, dans un cadre décentralisé et territorialisé, qui permettrait de mieux saisir les opportunités économiques des territoires pour dispenser des formations davantage adaptées aux attentes des employeurs comme des salariés sur leur marché du travail.

Par ailleurs, le texte du Sénat complétait la réforme de l'apprentissage par des dispositions visant à encourager la découverte des métiers ou à préparer les élèves de 3e à l'apprentissage.

Toutes ces mesures étaient de nature à contribuer à la revalorisation de cette filière de formation et à la rendre davantage attractive, aussi bien aux yeux des jeunes que dans l'esprit de leurs familles. Vous êtes pourtant revenus sur chacune de ces dispositions, sans prendre en considération les convergences dont ces propositions de bon sens auraient pu faire l'objet.

Le groupe UDI, Agir et indépendants, souhaite, au cours de cette nouvelle lecture, trouver un équilibre propre à assurer l'efficacité de cette réforme de la formation professionnelle. Notre groupe a identifié une ligne rouge qui déterminera son vote sur ce projet de loi : le degré d'implication des régions dans la mise en oeuvre de la formation professionnelle et de la formation en alternance. Nous ne remettons pas en cause votre volonté de donner davantage de pouvoir aux branches professionnelles dans l'élaboration des référentiels de formation et la définition des diplômes et formations certifiantes. Nous restons cependant convaincus que les régions ont une expertise à apporter tant en matière de formation professionnelle que d'apprentissage.

C'est la raison pour laquelle nous réaffirmerons dans ce débat toute la spécificité du rôle des régions et la plus-value qu'elles peuvent apporter à votre réforme en raison de la connaissance économique qu'elles ont de leurs territoires. Nous vous proposerons notamment d'introduire, en matière d'apprentissage, un copilotage entre les régions et les branches professionnelles au niveau des territoires. C'est la solution de compromis que plusieurs groupes, au Sénat, ont proposé afin de tenir compte à la fois de la logique de par votre réforme et des réalités des territoires.

Nous pensons vraiment, madame la ministre, qu'il est possible sur ce point de parvenir à une solution qui fasse converger nos points de vue afin d'aboutir à un système de formation professionnelle réellement efficace.

Au-delà de la formation professionnelle et de l'apprentissage, plusieurs points discutables nous semblent mériter des éclaircissements de la part de la majorité et du Gouvernement.

Ainsi, notre groupe est réticent à l'idée que le compte personnel de formation d'un demandeur d'emploi puisse, comme le permet votre dispositif, être mobilisé pour une formation choisie par Pôle emploi. Si on fait en effet le lien avec la réforme de l'offre raisonnable d'emploi, cela revient à contraindre le demandeur d'emploi à accepter, sous peine de sanction, une formation qu'il n'aurait pas désirée. Or tout l'intérêt du compte personnel de formation est de permettre une liberté de choix de son titulaire, qui devient un acteur à part entière de sa formation. C'est l'accompagnement par l'intermédiaire du conseil en évolution professionnelle qui permet de l'orienter au mieux dans ses choix.

Notre groupe est également opposé à la possibilité d'ouvrir au médecin de ville la visite d'embauche d'un apprenti. Outre le fait qu'on peut légitimement se demander s'il s'agit bien là du rôle du médecin généraliste, c'est surtout le financement de cette disposition qui ne nous paraît pas clairement assuré : qui, de l'entreprise ou de l'apprenti et sa famille, va assurer le coût de cette visite, et dans le cadre de quelle prise en charge par la sécurité sociale ? Manifestement, cette disposition ne répond pas à un objectif qui est pourtant légitime, celui de pallier le manque de médecins du travail, sujet sur lequel notre groupe appelle l'attention de l'État depuis plusieurs années.

Par ailleurs, nous vous appelons à la prudence sur les dispositions que vous entendez confirmer s'agissant des modalités de mise en oeuvre de la responsabilité sociale des plateformes numériques à l'égard de leurs collaborateurs. Si nous en approuvons évidemment le principe, la méthode employée, à savoir une charte facultative, ne nous paraît pas garantir l'efficacité du dispositif. De plus, la solution que vous proposez donne le sentiment de créer un statut hybride, entre le travailleur indépendant et le salarié, statut aux contours en réalité assez flous et qui peut être la source d'une insécurité juridique nouvelle. Nous sommes d'accord pour affirmer que cette question de la responsabilité sociale des plateformes numériques doit être abordée, mais d'une manière davantage construite.

Enfin, nous ne manquons pas non plus d'être perplexes face au changement de méthode adopté sur la réforme de l'assurance chômage et sur la régulation de la permittence et des contrats courts. Là encore, nous partageons évidemment l'objectif, et ne pouvons que regarder avec intérêt l'appel à une concertation avec les partenaires sociaux. Pour autant, nous sommes surpris de ce qui apparaît comme un changement de stratégie au regard des dispositions initiales du projet de loi. Nous percevons mal l'articulation entre ces différentes logiques, et les débats en commission n'ont pas permis de dissiper nos interrogations.

Je voudrais enfin, avant de conclure, rappeler deux points qui paraissent essentiels au groupe UDI, Agir et indépendants dans le cadre de cette réforme de la formation professionnelle.

Tout d'abord, il est nécessaire de prendre davantage en compte les besoins des filières émergentes. S'agissant de métiers nouveaux, les besoins en formation dans ces filières sont évidemment importants, afin de qualifier les salariés que ces entreprises recherchent pour se développer sur leurs marchés. Pour autant, ces nouvelles filières, parce qu'elles sont récentes, ne disposent pas des moyens qui permettent de financer les formations nécessaires. L'un des critères de réussite de votre réforme de la formation professionnelle sera ainsi de permettre à ces filières de bénéficier d'un mécanisme de mutualisation afin qu'elles puissent mettre en oeuvre le dispositif de formation et les référentiels nécessaires pour répondre à leurs attentes en matière de qualifications.

Ensuite, l'affectation à l'URSSAF de la responsabilité de la collecte du financement de la formation professionnelle et la répartition des financements par France Compétences ne doit pas conduire à négliger la nécessité de sanctuariser les crédits de la formation professionnelle. L'expérience du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels montre que l'affectation des crédits ne va pas sans remises en cause.

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