Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du lundi 25 septembre 2017 à 16h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Nous le disons avec d'autant plus de conviction qu'Hubert Wulfranc, en tant que maire de Saint-Étienne-du-Rouvray et moi-même, élu de Saint-Denis – tous deux aujourd'hui porte-parole du groupe GDR pour cette loi – , avons directement été confrontés aux attentats. Nous avons dû gérer, aussi, leurs conséquences en veillant en permanence à l'unité de la communauté locale quand d'autres s'échinaient à vouloir la diviser. Nous avons travaillé et nous continuons de le faire, avec l'ensemble des services de l'État, pour conjurer et prévenir les risques de toute nouvelle attaque.

Nous voulons sortir de l'état d'urgence et revenir strictement au droit commun parce que ces mesures d'exception sont à bout de souffle, comme plusieurs rapports parlementaires l'ont parfaitement montré. Le Président de la République lui-même, le 13 juin dernier, à l'issue de sa rencontre avec le président de la Cour européenne des droits de l'homme déclarait : « L'objectif pour la France est aujourd'hui de sortir de l'état d'urgence, qui ne permet pas de lutter de manière suffisamment efficace contre le terrorisme. »

Le 3 juillet, dans son discours prononcé devant le Parlement réuni à Versailles, le Président de la République se faisait plus précis, affirmant qu'il rétablirait « les libertés des Français en levant l'état d'urgence à l'automne, parce que ces libertés sont la condition de l'existence d'une démocratie forte ». Et il poursuivait, avec ces mots qu'Ugo Bernalicis a déjà rappelés : « Le code pénal, tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats, tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, nous permettre d'anéantir nos adversaires. » Nous souscrivons à ces propos, mais le projet de loi qui nous est proposé ne va malheureusement pas dans cette direction et est pour le moins ambigu.

En effet, il s'agit ici, non pas de rétablir le fonctionnement régulier des institutions, mais de pérenniser des mesures préventives, ordonnées sur la base de simples soupçons, restrictives de libertés, décidées par l'autorité administrative et dérobées, pour la plupart d'entre elles, au contrôle du juge judiciaire. La sortie « maîtrisée » de l'état d'urgence est finalement une sortie en trompe-l'oeil, une fausse sortie.

Ce projet de loi a été critiqué, voire dénoncé, par la quasi-totalité des associations de défense des droits de l'homme, par de nombreux experts, par des organisations internationales, par des autorités administratives indépendantes, ainsi que par l'essentiel du monde judiciaire. Malheureusement, ces avis ont une nouvelle fois été ignorés.

Nous déplorons vivement que la commission des lois ait rétabli, pour l'essentiel, le projet de loi initial du Gouvernement, alors que le Sénat en avait restreint la portée et l'avait mieux encadré. Tel qu'il est actuellement rédigé, le texte permettra désormais aux préfets et au ministre de l'intérieur d'ordonner des perquisitions administratives, des assignations à résidence et des fermetures de lieux de culte et d'instaurer des « périmètres de sécurité » lors d'événements – au sein desquels les règles de contrôle seront certes assouplies.

Ces nouveaux durcissements de l'arsenal répressif et administratif interviennent alors que notre législation en la matière est déjà substantielle et qu'aucun bilan complet et détaillé de l'efficacité des nombreuses lois « antiterroristes » adoptées sous le quinquennat précédent n'a été dressé – cela a déjà été dit. Alors, doit-on aller toujours plus loin dans cette logique répressive ? Nous ne le pensons pas, et cela d'autant moins que des aspects essentiels de la lutte contre le terrorisme sont absents de ce projet de loi.

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