Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du mercredi 25 juillet 2018 à 21h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteur e, mes chers collègues, nous vivons une époque troublée. Les égoïsmes nationaux, que l'on croyait éteints, se ravivent et le repli sur soi s'affirme. Cette triste réalité n'épargne personne, pas même notre continent européen. L'Europe s'est pourtant construite sur une communauté de destins, unis par des valeurs communes : la démocratie, l'État de droit, la liberté et les droits de l'homme.

Ces valeurs sont le socle de notre identité commune. Nous les avions crues irréversibles, nous les avions crues scellées dans le marbre. Aujourd'hui, elles apparaissent tantôt contestées, tantôt fragilisées par les doutes qui gagnent les peuples européens, y compris le nôtre. Chez certains de nos voisins germent des politiques qui font de l'altérité un danger et de l'ouverture une menace existentielle. Ceux-là construisent des murs, criminalisent l'aide, ferment leurs ports et se retirent des initiatives communes.

Je vous dis cela avec gravité, parce que les tensions qui agitent l'Europe et le climat délétère qui s'installe peu à peu doivent nous faire réagir.

La France ne doit rien céder, ni aux démagogues, ni aux agitateurs de peur s.

La France se doit d'être à la hauteur de son histoire et de sa tradition d'accueil.

La France est fraternelle : notre devoir face aux plus démunis est celui de l'hospitalité. Il ne peut y avoir de délit en la matière.

C'est pourquoi j'avais, en première lecture de ce texte en commission, défendu avec mon collègue Olivier Véran un amendement visant à assouplir le délit de solidarité. En séance publique, présenté par mon groupe, par le groupe M ODEM et par le Gouvernement, cet amendement fut adopté par l'Assemblée.

Ainsi avions-nous, majorité et Gouvernement, sans le savoir, largement anticipé la décision du Conseil constitutionnel, intervenue quelques mois plus tard, le 6 juillet dernier, censurant pour partie les dispositions en vigueur de l'article 622-4 du CESEDA – code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Pour la première fois, l'oubliée de notre devise républicaine, la fraternité, est consacrée au rang de principe à valeur constitutionnelle.

Par cette décision inédite, le Conseil constitutionnel invite le législateur à modifier les dispositions en vigueur, qui résultent d'une loi de 2012 dont nous estimons qu'elle n'allait pas assez loin.

L'objectif rappelé par le Conseil constitutionnel est simple, et c'est celui que nous poursuivons depuis le départ : lutter contre les filières de passeurs et contre tous ceux qui exploitent la détresse des exilés pour en tirer profit, tout en permettant des actions à visée humanitaire.

Je proposerai donc, avec mon groupe, un nouvel amendement en ce sens : sans modifier le régime de l'aide à l'entrée sur le territoire national, nous élargissons le champ de l'exemption pénale à l'aide à la circulation et nous introduisons la notion d'aide à visée humanitaire.

Ainsi nous mettrons-nous en conformité avec notre droit, comme nous l'avions souhaité en première lecture. Ainsi serons-nous à la hauteur de nos principes et de nos libertés fondamentales.

Mais ce n'est pas tout, car nous devons vivre avec une autre réalité, celle des crises migratoires qui traversent l'Afrique, la Méditerranée, le Proche et Moyen-Orient, jusque chez nous.

Ces crises, qui sont tout à la fois le résultat des conflits politiques, des guerres, des difficultés économiques et du réchauffement climatique, bouleversent notre organisation et doivent appeler une réponse lucide et sincère de notre part.

Nous ne serions pas justes si nous tenions un discours angélique d'accueil inconditionné.

Nous manquerions de réalisme si nous pensions pouvoir intégrer systématiquement et dignement tous les migrants, sans perturber nos structures, le coeur de notre fonctionnement.

Nous manquerions de courage si nous nous contentions d'ajustements, si nous ne prenions pas la mesure des bouleversements majeurs qui sont à l'oeuvre.

Le rôle de la France est d'accueillir et d'intégrer toujours mieux ceux qui ont besoin de protection et qui relèvent du droit d'asile.

La France doit également se montrer intransigeante avec les passeurs, ces vendeurs de rêves immoraux, qui exploitent la misère.

La France doit aussi se montrer ferme avec ceux, plus nombreux, qui n'ont pas vocation à se maintenir sur le territoire.

C'est tout l'équilibre que nous avons mis en oeuvre dans ce projet de loi pour un droit d'asile effectif, une immigration maîtrisée et une intégration réussie.

Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter pour ce projet de loi.

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