Intervention de Alain Sambourg

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Alain Sambourg, agriculteur et membre du conseil d'administration de la Coordination rurale :

Je suis agriculteur céréalier dans la Brie, et je pratique une agriculture de conservation. Après l'exception culturelle, il faut, si nous voulons aider les consommateurs à avoir une alimentation de qualité, imposer une « exception agriculturelle » afin de contrôler l'importation de produits provenant de pays dont les agriculteurs n'obéissent pas aux mêmes cahiers des charges que nous.

La France ou l'Europe veulent-elles encore de leur agriculture ? Tout à l'heure, monsieur le président, vous avez indiqué que, sur 100 euros consacrés à l'alimentation, 6,50 euros seulement allaient aux agriculteurs. La politique menée depuis les années 1980 ou 1990 aboutit donc à une situation dans laquelle l'agriculteur ne perçoit pas les subsides de ces produits. Comment en est-on arrivé là ? Je le demande aux décideurs qui ont oeuvré au cours des dernières années. Si l'on veut sauver l'agriculture, il faut faire en sorte que l'exploitant puisse en tirer un revenu grâce aux produits qu'il cultive. Actuellement, le mal-être est tel dans l'agriculture que certains vont jusqu'à commettre l'irréparable. Ce n'est pas normal !

Pour protéger le consommateur, il faut garantir la traçabilité des produits alimentaires qui lui sont fournis. Aujourd'hui, nous avons, grâce au QR code, les moyens techniques de tracer les produits utilisés par l'industrie. Pour moi, l'agroalimentaire et l'agriculture sont deux choses différentes. Nous, nous produisons des matières premières, qui sont tracées jusqu'à ce qu'elles sortent de notre exploitation. En revanche, dans l'industrie agroalimentaire, la traçabilité est insuffisante. Et lorsqu'on voit le taux d'obésité, la prévalence du diabète et des maladies liées à l'excès de cholestérol, on peut s'interroger sur la qualité de l'alimentation. Pour protéger le consommateur, la priorité est donc d'assurer la traçabilité des produits utilisés par l'industrie agroalimentaire.

On nous rabâche qu'il faut produire des céréales pour être sur le marché mondial. Mais celui-ci nous fait crever ! Et comme tout est basé sur le prix des céréales, toutes les productions sont « à la ramasse ».

Par ailleurs, les agriculteurs ont besoin de protéines et de légumineuses dans leurs rotations. Depuis dix ans, puisqu'on a décidé d'interdire les organismes génétiquement modifiés (OGM) en Europe, on envisage de développer des protéines et des légumineuses sans OGM, mais on importe du soja ou du canola à base d'OGM. Ce n'est pas normal ! La traçabilité de l'alimentation des animaux n'est pas correcte. Un label « Île-de-France » va être créé pour les bovins et les ovins, mais l'usine à laquelle nous nous sommes adressés est incapable de fournir des tourteaux de soja et de tournesol sans OGM. Cela signifie que, pour les animaux élevés en Île-de-France, les protéines et les légumineuses devront être produites dans les exploitations, car le cahier des charges impose une alimentation sans OGM, même à 0,9 %.

Actuellement, en tant que céréalier, je n'ai pas le droit de vendre mon blé en direct : je suis obligé de passer par une coopérative ou un négoce. Cette obligation n'existe dans aucun autre pays au monde ! Ainsi, les exploitants qui prennent le risque de cultiver des céréales sans « phyto » ni fongicides ni insecticides sont obligés de passer par la coopérative, où tout est mélangé. Pourquoi ne pourraient-ils pas vendre leurs céréales sur le marché ? Hier, j'ai rencontré des Australiens et des Américains : ils ne se posent pas de questions et, la qualité, ils la vendent. Ils produisent de la farine avec du blé sans fongicides ni insecticides, et ils ont les marchés. En France, on nous impose des règles d'arrière-garde. Dans le « bio », on a le droit de vendre en direct, même des semences. Mais nous, dans l'agriculture conventionnelle, même si nous respectons un cahier des charges strict en ce qui concerne l'emploi de produits, nous n'en avons pas le droit. Ce n'est pas normal !

Enfin, la mention de l'origine des produits sur l'étiquetage devrait être obligatoire. Cependant, un de mes amis élève, près de la frontière suisse, des bovins sans OGM ni produits vétérinaires. Or, faute d'abattoir de proximité, il est obligé d'abattre ses animaux à 45 kilomètres de chez lui, en Suisse, de sorte que sa viande n'est pas reconnue comme étant d'origine française ! Le problème se pose également en Île-de-France : il n'existe pas d'abattoirs adaptés aux gros bovins. Les animaux doivent donc faire beaucoup de kilomètres, ce qui nuit à la qualité de la viande. Il s'agit d'un problème national : pourquoi a-t-on favorisé ces gros abattoirs ? Une fois que l'agriculteur a livré ses animaux à l'abattoir, c'est celui-ci qui en est responsable. Or, dans ces gros abattoirs, la traçabilité n'est pas assurée. Là encore, ce n'est pas normal.

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