Intervention de Cécile Muret

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Cécile Muret, secrétaire nationale de la Confédération paysanne :

Je suis Cécile Muret, paysanne dans le Jura, secrétaire nationale de la Confédération paysanne.

La Confédération paysanne porte un projet de transformation sociale qui s'appelle l'agriculture paysanne, et dont le socle majeur est l'autonomie, c'est-à-dire la capacité des paysans et des paysannes à pouvoir continuer de prendre des décisions d'investissements avec les outils de production qui leur appartiennent. Nous nous rejoignons avec les représentants de JA sur le modèle d'une agriculture familiale, c'est-à-dire une agriculture à taille humaine où les paysans et les paysannes peuvent encore décider de ce qu'ils font. Cela nécessite qu'ils puissent dégager un revenu de leur ferme.

Une fois que l'on a un revenu, pour éviter les effets d'aubaine et la course à l'agrandissement qui pourrait être inhérente, il nous semble important de réinstaurer quelque chose qui est disparu, et qui existait sur diverses productions comme le lait, la betterave, et un peu sur la viticulture, à savoir la maîtrise de la production afin de partager l'accès au marché. Qui dit maîtrise, dit répartition les entre les actifs agricoles, c'est-à-dire partager pour qu'il y ait le plus d'emplois paysans possible, ce qui permet une diversité sur les territoires. Il faut savoir que d'ici à dix ans, 50 % de la population active agricole partira à la retraite, ce qui est juste alarmant. Si l'on veut continuer à avoir des paysans et des paysannes sur notre territoire, il faut se saisir de cet enjeu majeur qui est de permettre le renouvellement des générations en diminuant la course à la capitalisation sur les fermes puisqu'en trente ans le capital par exploitation a augmenté de 75 %, un chiffre hallucinant donné par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER).

Cela fait déjà longtemps que l'on m'a présenté le scénario « Afterres 2050 ». C'est une approche complexe. Il faut absolument des aides publiques. Actuellement, les paysans sont sous la dépendance d'une politique agricole. Si l'on veut réorienter l'agriculture et donc l'alimentation, il faut réorienter la politique agricole commune avec des aides plafonnées par actif. Il convient d'utiliser les aides publiques pour encourager l'agriculture à aller vers une transition agricole plus harmonieuse en fonction des enjeux des sols, comme l'a dit la Coordination rurale, et surtout en faveur d'une alimentation de qualité.

Ainsi que l'a rappelé M. Clavel, notre territoire est très diversifié, avec des handicaps naturels, ce qui veut dire qu'il faut absolument conserver les aides aux handicaps naturels.

Vous nous demandez si le changement peut venir d'initiatives individuelles. Le travail des gens qui inventent, qui innovent sur le territoire, qui disent qu'ils vont produire de la valeur ajoutée en faisant telle ou telle chose, qui sélectionnent une féverole, pour reprendre l'exemple de tout à l'heure, est vraiment intéressant. Mais on ne peut pas imaginer une réorientation totale de l'agriculture à partir d'initiatives individuelles. Pour multiplier ou « universaliser » les bonnes idées, il est indispensable que les politiques publiques les encouragent. À la Confédération paysanne, nous considérons qu'on a raté quelque chose avec les États généraux de l'alimentation. Nous espérons que deux dossiers seront plus ambitieux : le projet de loi sur le foncier et la réforme fiscale.

Tout à l'heure, M. Gangneron a parlé de l'anticipation des risques. Dès lors qu'on aura le socle du revenu, c'est-à-dire que les paysans ne seront plus sous dépendance d'un marché et qu'ils auront la garantie d'avoir un revenu par rapport à ce qu'ils produisent, on peut imaginer une fiscalité incitatrice – je pense aux dotations pour aléas – qui soit gérée à l'échelle de la ferme. La production de fruits et légumes est très vulnérable, il y a de bonnes et de mauvaises années. Avant, on était habitué à cette vulnérabilité et on lissait les bonnes et les mauvaises années. Aux distorsions de concurrence que subissent les agriculteurs français se sont ajoutés cette année la grêle et le gel – l'année dernière, la production était au rendez-vous mais les agriculteurs étaient payés « au lance-pierre » ! Au final, ils s'enfoncent et mettent la clé sous la porte.

Enfin, il faut savoir que l'agriculture bio n'est pas épargnée par la financiarisation de l'agriculture.

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