Intervention de Laurent Pinatel

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne :

Le fait de recentrer sur la répartition de la valeur créée est important, et on ne peut pas y faire abstraction. Considérer que la PAC et les différentes politiques publiques menées n'ont pas d'incidence sur la répartition de la valeur revient se mettre le doigt dans l'oeil.

Le projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale ne nous semble pas satisfaisant et après le vote du Sénat on peut considérer qu'il n'y a plus de loi.

Nous espérons que la CMP n'aboutira pas. Comme la nouvelle lecture du texte est prévue à l'Assemblée nationale à la fin du mois de juillet, les nouvelles négociations commerciales s'ouvriront avec une loi rénovée, ce qui nous semble assez important.

En ce qui concerne la répartition de la marge, il faut être d'accord sur le fait que l'agriculture, l'activité agricole et agroalimentaire, du producteur jusqu'au distributeur, crée de la valeur. Le titre I du projet de loi, tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale est totalement indigent dans la volonté de rémunérer correctement le producteur. Souvenez-vous de la fameuse déclaration d'Emmanuel Macron à Rungis : on allait partir du coût de production du producteur pour aboutir à un prix final. Pourtant, ce principe n'a absolument pas été retrouvé dans le texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. On note une légère amélioration en ce qui concerne la notion d'arbitrage telle qu'elle est proposée par les sénateurs dans le titre I. Mais comment créer de la valeur supplémentaire, comment la répartir correctement et comment, et je rejoins totalement les représentants de Jeunes Agriculteurs, mettre en phase la production et le marché qui est créé essentiellement par les consommateurs ? C'est un peu le scénario de Solagro que nous avons beaucoup étudié à la Confédération paysanne. Dans ce scénario, il ne s'agit pas de dire qu'on produit et qu'on verra ensuite qui mange, mais plutôt de demander ce que veulent les gens et ce qu'on produit.

Je passe rapidement sur la consommation de protéines, car la Confédération paysanne y est bien évidemment favorable. Il est important, pour l'aménagement de l'espace, pour la qualité de l'alimentation, d'avoir une alimentation carnée ou partiellement carnée.

Monsieur le président, vous nous avez dit que, sur 100 euros dépensés par le consommateur pour se nourrir, seulement 6,50 euros revenaient à l'agriculteur. Ne peut-on pas lui en distribuer davantage, à moins que certains se « gavent » ? La réponse et bien que certains se gavent. Je me souviens d'une table de ronde sur la crise de la filière laitière qui a eu lieu ici même il y a trois ans où le Médiateur des relations commerciales avait dit clairement que certains « se gavaient » : les transformateurs et les distributeurs. Il n'y a pas des gens vertueux, ceux qui transforment nos produits, et les grands méchants, ceux qui les distribuent. Les producteurs et les productrices sont victimes des politiques publiques qui donnent tout pouvoir à la grande distribution et à la grande transformation. Par exemple, rien dans la loi ne permet aux producteurs de se regrouper dans les négociations commerciales sur des masses critiques qui permettent un rapport de forces équilibré.

J'entends que les initiatives annuelles permettront de sortir de cette situation. Pour notre part, nous croyons en un État qui régule, qui organise, qui protège, dans la négociation commerciale, et qui permettra de rééquilibrer le rapport de forces entre des grands groupes agroalimentaires et des producteurs très nombreux et de plus en plus atomisés. La négociation ne peut pas fonctionner si le législateur ne s'implique pas dans un rôle d'arbitre. Il est indispensable que l'État vienne arbitrer la relation commerciale. Nous sommes tous des producteurs de denrées périssables ; certes, on peut considérer que nos animaux peuvent grossir un peu plus, mais alors ils ne correspondront plus à aucun marché. Nous avons une obligation de vendre, alors que les transformations ont l'obligation de jouer la montre pour acheter au moins-disant. Le projet de loi contient des dispositions législatives fortes et, en ce qui nous concerne, nous ne lâcherons pas sur la question de l'arbitrage. Le rapport de force est forcément déséquilibré : l'État doit jouer le rôle d'arbitre pour que, sur 100 euros dépensés par le consommateur pour se nourrir, la part qui revient à l'agriculteur ne soit plus seulement de 6,50 euros.

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