Intervention de Cécile Muret

Réunion du mardi 3 juillet 2018 à 16h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Cécile Muret, secrétaire nationale de la Confédération paysanne :

M. Gangneron me tend une perche… Il s'agit de redonner du sens à notre fonction première, produire des aliments, et de redonner du sens à l'alimentation pour les mangeurs et les mangeuses. L'expérience de relocalisation de la restauration collective dans la ville de Lons-le-Saunier a commencé avec la politique de l'eau menée par la municipalité – l'eau étant en régie directe – et visant à diminuer les doses de pesticides. En observant le bassin-versant les élus se sont dits : « On va aller voir les paysans et les paysannes pour décider de ce qu'on pourra faire avec eux pour améliorer la qualité de l'eau. » Que s'est-il passé ? Chemin faisant, on a redonné du sens à la restauration collective : le paysan produit du blé bio transformé localement dans des moulins, la farine étant ensuite utilisée par une boulangerie qui a fait le pari de travailler avec la restauration collective. Résultat : moins de gâchis alimentaire parce que le pain est meilleur ; les paysans, je le répète, donnent du sens à ce qu'ils produisent ; et les gamins et les vieux – la restauration collective à Lons-le-Saunier représente 5 000 repas par jour – se réapproprient l'alimentation et à leur tour lui donnent du sens.

L'expérience s'est poursuivie avec la viande, issue de vaches de réforme engraissées – car nous produisons du lait avec des Montbéliardes –, et parce qu'il y a un abattoir juste à côté de Lons-le-Saunier et parce que des bouchers, toujours à Lons, sont capables de traiter des demi-carcasses. La relocalisation de l'alimentation signifie qu'on se réapproprie des métiers externalisés dans l'industrie de transformation, soit, ici, dans des abattoirs de proximité.

La troisième phase a été le développement d'une filière légumes dans le Jura – nous n'y sommes pas encore arrivés pour les fruits –, ce qui n'a pas été facile dans la mesure où il ne s'agit pas, historiquement, d'un bassin légumier. La première difficulté a été l'accès au foncier, mais je ne développerai pas ce point. Il a fallu faire comprendre la saisonnalité et la composition des menus – il faut savoir qu'il y a toujours un nutritionniste dans un centre de restauration collective. Le travail s'est révélé bien fastidieux entre les cuisiniers qui ont leurs contraintes, les paysans qui ont les leurs et une nutritionniste qui balance de la courgette au mois de décembre dans les assiettes des gamins – et cette phase de discussion n'est toujours pas terminée.

Si tout cela fonctionne, c'est parce qu'on a un prix rémunérateur, une filière qui se met en place et qui partage le gâteau. Il y a 200 tonnes de légumes qui sont travaillées au sein de la restauration collective de Lons-le-Saunier, ce qui signifie que les paysans doivent s'entendre sur les volumes et négocier les prix. En effet, même à l'échelle de Lons-le-Saunier, on doit compter avec la concurrence des prix, le coût des matières… Quand la ville lance un appel d'offres pour l'hôpital, il faut que les paysans, en matière de coût par repas, soient, si j'ose dire, au ras des pâquerettes pour accéder au marché. Le premier étage de la fusée est la volonté politique locale, et la volonté d'approche territoriale est géniale car elle nous permet de sortir par le haut, mais, à un moment donné, il faut bien négocier. C'est pourquoi, et j'en reviens aux EGA, l'une des revendications de la Confédération paysanne était d'interdire la vente en dessous du prix de revient, première condition pour pouvoir discuter et pour que, dans le cadre de la négociation, le rapport de forces soit un minimum équilibré.

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