Intervention de Sandrine Mörch

Séance en hémicycle du jeudi 26 juillet 2018 à 21h30
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Article 26 sexies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mörch :

J'ai fait part, en commission, de mes réserves sur ce fichier qui recueillera les empreintes et photographies des personnes effectuant une demande de protection auprès de l'aide sociale à l'enfance. Loin de moi l'idée de nier la réalité des difficultés auxquelles sont confrontés les services de police et d'aide sociale à l'enfance : les évaluations multiples créent un coût important pour les conseils départementaux, c'est certain.

Mais, premièrement, je crains que ce fichier n'entraîne de très fortes inégalités de traitement pour les jeunes isolés, faute d'harmonisation, et compte tenu du manque de fiabilité des techniques d'évaluation de la minorité. Je vous rappelle que le rapport de la mission bipartite de réflexion sur les mineurs non accompagnés a montré qu'au premier semestre 2017, la reconnaissance de minorité variait de 9 % à 100 % selon les départements.

Il en résulte une inégalité de traitement des jeunes et une contestation croissante des résultats de ces évaluations devant la justice. À Paris, il a été décelé un nombre important de refus direct, sans même une évaluation de la minorité, et en 2017, 50 % des enfants non accompagnés se sont vu reconnaître leur minorité après avoir saisi le juge des enfants. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas commencer par améliorer les critères d'évaluation ?

Deuxièmement, d'un point de vue pratique, ce fichier n'entraînera probablement pas une amélioration de la prise en charge des jeunes vulnérables. Si les jeunes se déplacent aujourd'hui, c'est également parce que nombre d'entre eux ne sont pas mis à l'abri pendant l'évaluation de leur minorité ou durant le temps du recours. Ils se retrouvent dans la rue, à la merci des réseaux et ont tendance à se déplacer dans des conditions de très grande vulnérabilité, vous le savez.

Que feront les services lorsqu'ils tomberont sur un jeune déjà fiché ? Si la décision est en cours dans un autre département, est-ce que les personnes seront renvoyées vers ce département ? Seront-elles tout de même mises à l'abri ? Le seront-elles systématiquement ? Y aura-t-il un meilleur suivi ou un hébergement dans des structures d'accueil plus adaptées que l'hébergement hôtelier ?

Quand on connaît la saturation des services de l'aide sociale à l'enfance, en dehors même du cas de la prise en charge des migrants, on peut malheureusement douter que ce fichier améliore réellement leur situation. Je pense donc que la priorité est donc de régler leur mise à l'abri, plutôt que de focaliser notre action sur la question de la minorité. Un jeune, qu'il soit mineur ou jeune majeur, doit être protégé et orienté. C'est pourquoi je voterai l'amendement tendant à supprimer ce fichier.

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