Intervention de Hervé Gomichon

Réunion du jeudi 12 juillet 2018 à 10h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Hervé Gomichon, directeur de la qualité et du développement durable du groupe Carrefour :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous vous remercions pour cette invitation. Elle nous permet d'échanger ensemble sur la question de l'alimentation industrielle. Cela nous donne l'opportunité de partager avec vous les actions qui sont aujourd'hui engagées par l'entreprise Carrefour et de présenter son ambition, annoncée par son PDG, en janvier dernier, de devenir le leader de la transition alimentaire pour tous.

Quand on parle d'alimentation et de qualité, on évoque d'abord la sécurité ; or la sécurité des consommateurs et des produits, et le respect de la réglementation sont des éléments intangibles, de base, sur lesquels nous construisons notre processus.

Ce processus de développement est assez générique. Nous avons des cahiers des charges, des audits d'usine, des plans de contrôle, mais surtout, le processus a été élaboré à partir d'une analyse de risques de ce processus de développement. Nous avons choisi la méthode HACCP, généralement utilisée dans la gestion des risques alimentaires. Nous avons appliqué cette méthode d'analyse de risques à notre processus produit. Nous avons ainsi identifié cinq points à maîtriser pour maîtriser l'ensemble du processus.

Premier point : que voulons-nous ? Un cahier des charges, le respect des réglementations, le respect des différentes normes, des niveaux de nutrition et des compositions.

Deuxième point : les fournisseurs. Il est essentiel que les fournisseurs qui fabriquent les produits de notre marque soient au plus haut niveau d'exigence de sécurité et de confiance dans les pratiques qu'ils vont mettre en oeuvre.

Troisième point : le plan de contrôle des produits. Si nous ne les contrôlons pas, nous ne pouvons pas garantir la sécurité et la qualité, ni procéder aux éléments de gestion des risques en cas de découverte ou de survenue d'un risque.

Quatrième point : les hommes. La compétence, l'expertise, la connaissance de la politique et des réglementations par nos équipes – 70 personnes travaillent sur ces questions.

Cinquième point : les data, l'information. Etant donné que nous ne pouvons pas contrôler le produit sans le dégrader, il est essentiel d'accumuler de la connaissance sur les produits, sur les fournisseurs, sur l'historique des contrôles et de pouvoir ainsi réagir de façon la plus pertinente possible en cas de problème.

L'entreprise Carrefour représente près de 20 % de parts de marché en France et compte plus de 5 600 points de vente sur le territoire français, tous formats confondus – hypermarchés, Carrefour Market, et tous les magasins Proxy qui portent différents noms.

S'agissant du niveau de transformation des produits et des aliments, nous proposons des produits différents que l'on peut classer en deux grandes catégories : les produits bruts et les produits transformés. Les produits bruts sont issus directement des productions agricoles. Il s'agit des produits se trouvant dans les zones de marché sur lesquelles nous portons le plus d'attention ; c'est sur ces produits que nous voulons faire la différence. Le consommateur, qui les achète régulièrement, est capable de juger de leur fraîcheur et de leur qualité.

C'est sur ces produits bruts que nous avons établi, en 1992, le programme des « filières qualité Carrefour », un programme qui prévoit un contrôle sur toute la chaîne de production. Quand nous annonçons que tel produit est élevé sans traitements antibiotiques, nous l'avons contrôlé à la ferme, avec un organisme indépendant.

Nous menons aussi, au sein de ces filières, des projets sur l'absence de traitements aux pesticides ; nous avons des fraises, des kiwis, des brocolis, des pommes, des pommes de terre sans pesticides. C'est parce que nous travaillons avec nos partenaires que nous pouvons fixer ces éléments par contrats et que nous les contrôlons. Nous les payons plus cher, ce qui nous permet de maîtriser ces produits bruts. C'est également au sein de ces filières que nous avons travaillé le sujet blockchain pour garantir la traçabilité et le code-barres sur l'emballage.

S'agissant des produits transformés, il me semble que leur définition reste floue. Ce qui n'est pas un alibi pour ne pas agir. Néanmoins, elle gagnerait à être précisée et partagée.

Nous avons, pour ces produits, plusieurs programmes, tels que le programme d'amélioration des recettes ou le programme d'élimination des additifs. Pour les éliminer, il est nécessaire de travailler sur le mode de production et la durée de conservation. Par exemple, en traitant un jus d'orange par haute pression, on ne dégrade pas ses qualités nutritionnelles. La recherche de processus est un sujet important pour la qualité nutritionnelle. C'est aussi une façon d'éliminer des additifs dits de confort.

Depuis 1985, nous menons un programme de réduction du nombre des additifs. Aujourd'hui, plus d'une centaine sont exclus de nos produits. S'agissant des nanos, nous avons été interrogés par l'ONG Agir pour l'Environnement, qui souhaitait connaître notre position et nos actions lorsque nous en trouvions dans nos produits. Après six mois de travail avec cette ONG et le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), nous avons compris que certaines matières premières étaient des nanos sans que personne ne le sache – le dioxyde de titane, le dioxyde de silice… Nous avons entièrement retiré ces additifs depuis l'année dernière.

Par ailleurs, s'agissant des emballages, nous avons pris parti d'être 100 % recyclables. Le sujet de la migration des encres a été évoqué, c'est la raison pour laquelle tous nos emballages en carton sont imprimés avec des encres végétales, cela évite d'enrichir le circuit de recyclage avec des huiles minérales. Ensuite, puisqu'il n'y a pas de normes françaises, s'agissant des emballages, nous utilisons les normes allemandes BFR, qui sont extrêmement strictes. Si le produit est contaminé au-dessus des seuils de la norme BFR, nous le retirons du marché et nous modifions l'emballage.

Enfin, en ce qui concerne la nutrition, notre programme de réduction de sel, de sucre et de gras a été lancé en 2000. En 2003, nous avions lancé la gamme « J'aime » parce que, si cette gamme était nutritionnellement bien faite, son goût n'était pas très bon – nous avons donc essayé de forcer le trait. Cette gamme n'a pas marché.

Si nous n'avançons pas par itération, si nous ne sommes pas capables d'aller progressivement vers la réduction de sel, de sucre et de gras, nous n'arriverons pas à adapter le goût pour qu'il plaise au consommateur.

Autre sujet que je pourrai vous détailler si vous le souhaitez, les acides gras saturés et insaturés et la politique de l'huile de palme. Nous avons banni les acides gras partiellement hydrogénés, source d'acides gras « trans », de nos recettes. Par ailleurs, selon les recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation et du travail (ANSES), nous avons une politique de réduction à moins de 1 % des acides gras « trans » dans nos formules – nous réalisons régulièrement des contrôles.

S'agissant du Nutri-Score, nous l'utilisons sur nos sites marchands, conformément à la décision de l'administration française. Nous sommes l'une des enseignes les plus internationales, nous exportons les produits que nous produisons en France vers des pays comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique ou la Pologne. Or certains de ces pays ne souhaitent pas que les éléments nutritionnels soient indiqués sur les emballages. De sorte que le guide d'application de la marque Nutri-Score, aujourd'hui, nous pénalise pour répondre à cette demande. Serge Hercberg a proposé de nous aider à utiliser le Nutri-Score sans que cela nuise à nos exportations. En attendant, le Nutri-Score est bien présent sur nos sites internet.

En conclusion, nous avons deux engagements. D'une part, doubler les ventes de produits bio d'ici à 2022, ce qui démontre le soutien de l'entreprise à l'agriculture biologique. Nous avons développé un programme de soutien aux agriculteurs qui souhaitent se convertir, sachant qu'ils prennent un risque : 500 agriculteurs bénéficieront de notre soutien d'ici à 2022. C'est la raison pour laquelle, nous nous engageons, par contrat, à réduire le risque, à fixer des prix et des volumes pendant toute la période de reconversion.

D'autre part, notre ambition est d'afficher une croissance trois fois plus importante de nos produits frais par rapport aux produits grande consommation.

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