Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 31 juillet 2018 à 21h30
Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteuse, mesdames et messieurs les députés, nous voici donc au terme de la navette parlementaire de cette proposition de loi du groupe La République en marche relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes.

Comme lors de la première lecture, nous tenons tout d'abord à exprimer notre désapprobation face aux méthodes particulièrement douteuses de la majorité qui, après avoir rejeté en octobre dernier la proposition de loi de nos collègues Les Républicains sur un sujet identique, l'a reprise à son compte pour en proposer une version nettement moins ambitieuse. Comme quoi, le vieux monde et ses manoeuvres politiciennes ont encore de beaux restes avec cette majorité.

Ce geste, si inélégant soit-il, a au moins le mérite de confirmer, d'une part, que le transfert des compétences eau et assainissement prévu par la loi NOTRe pose certains problèmes et, d'autre part, que la majorité a péché par orgueil, opportunisme et manque de sérieux en se refusant à amender la proposition de loi initiale du groupe Les Républicains, faisant ainsi perdre un temps précieux aussi bien aux parlementaires que nous sommes qu'aux élus locaux, lesquels ont alerté sur le caractère néfaste de la mesure.

Sur le fond, nous déplorons le caractère timoré de ce texte qui ne fait qu'assouplir la loi en reportant le délai de transfert obligatoire uniquement pour les communes membres d'une communauté de communes qui n'ont pas encore procédé à ce transfert, mais obtenu une minorité de blocage permettant de reporter le transfert à 2026.

Là encore, on retrouve la marque de votre majorité : obligés de vous rendre aux arguments de l'opposition, vous trouvez le moyen d'en faire le moins possible, en refusant toutes les autres contributions, pour finir par produire un texte bien rabougri, sur un sujet pourtant majeur.

Notre position s'inscrit dans la lignée de notre opposition à la loi NOTRe de 2015. Cette dernière a en effet constitué une rupture historique majeure s'agissant de la place de la commune dans l'organisation territoriale française et de celle du service public de l'eau. Il s'agit, sous couvert d'une plus grande autonomie et d'adaptabilité, d'un processus qui ouvre les services publics essentiels aux intérêts de grandes entreprises.

Or l'examen de la question du niveau pertinent pour exercer la compétences en matière d'eau et d'assainissement ne doit pas se résumer à la défense de privilèges territoriaux ou à une loi à visée électoraliste. L'enjeu est tout autre : c'est celui de la préservation de l'eau comme bien commun et de l'organisation par les pouvoirs publics d'un accès uniforme et suffisant à cette ressource sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, cet accès n'est garanti ni à court ni à moyen terme.

À court terme se pose la question de la précarité hydrique. Il n'existe pas d'accès ininterrompu à l'eau potable, ni pour les foyers ni pour les individus vivant en France. À moyen terme, et ce n'est qu'une façon de parler tant il y a urgence en matière d'écologie, les mesures nécessaires ne sont pas prises non plus.

Le cas de la Guadeloupe montre l'impact de la réglementation de la gestion de l'eau sur la qualité de la distribution de celle-ci dans les foyers. La situation est depuis longtemps déplorable : les Guadeloupéens et Guadeloupéennes subissent une distribution aléatoire de l'eau, avec des coupures fréquentes et, dans certains endroits, c'est une eau saumâtre qui sort du robinet. En juin 2015, le Conseil économique, social et environnemental régional soulignait dans son rapport que 85 % des abonnés étaient desservis par un opérateur privé et que seuls 60 % de la production d'eau traitée est utilisée par les usagers et usagères, du fait de la qualité déplorable des réseaux.

Jusqu'en 2013, la gestion de l'eau et de son assainissement était prise en charge par sept groupements et cinq communes. Depuis août 2016, elle est uniquement assurée par des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Ce changement intervient à la suite de l'entrée en vigueur successivement de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », et de la loi NOTRe. L'entrée en vigueur de ces lois a ainsi imposé une réorganisation complexe de la gestion de l'eau, sans pour autant apporter de solution aux graves dysfonctionnements qui préexistaient.

Le Gouvernement a annoncé un plan de 71 millions d'euros afin de rénover les réseaux. Si ce plan est nécessaire, il ne règle pas les problèmes structurels criants, liés au cadre juridique actuel, qui les rend possibles.

L'État vient ici se substituer non plus aux collectivités locales mais aux acteurs privés, qui profitent de contrats de longue durée, sur un secteur de nécessité commune. Ces acteurs se désengagent de la rénovation régulière et nécessaire des réseaux. Pourquoi ne pas mieux encadrer, sinon interdire la gestion de l'eau et de l'assainissement lorsque celle-ci n'est pas faite en régie directe ? Nous avons ainsi déposé une proposition de loi visant à constitutionnaliser le droit à l'eau, ce qui aurait permis un meilleur encadrement de sa gestion.

S'agissant de l'assainissement, en Guadeloupe encore, des traces de chlordécone, cet insecticide au coeur d'un scandale sanitaire et écologique, ont été détectées dans l'eau du robinet. On ne peut pas séparer la gestion de l'eau de la question écologique. Les produits utilisés, qu'ils se trouvent dans les sols en amont, ou qu'ils servent à assainir l'eau en aval, ainsi que les pertes engendrées par la mauvaise qualité des réseaux, affectent la qualité de l'eau disponible à la consommation, non seulement pour nous mais pour l'ensemble du vivant.

Il faut ainsi repenser au plus vite notre gestion publique de l'eau en des termes socio-écologiques. Cette proposition de loi, qui aurait pu être l'occasion d'ouvrir ce grand débat, passe à côté de l'essentiel. En repoussant l'ensemble de nos amendements, vous avez choisi de ne pas avoir ce débat. En cela, comme à votre habitude, les intérêts privés passent en priorité, l'écosystème et l'intérêt général attendront.

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