Intervention de Fabrice Brun

Séance en hémicycle du mardi 31 juillet 2018 à 21h30
Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Brun :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, il nous appartient de clore ce soir un épisode malheureux d'une histoire d'eau. Un épisode, dis-je, car le feuilleton est loin d'être terminé – j'y reviendrai dans la deuxième partie de mon intervention. Cet épisode malheureux a débuté il y a trois ans, avec l'adoption de la loi NOTRe du 7 août 2015. Depuis, nombreux sont ceux et celles qui se sont mobilisés pour revenir sur cette décision technocratique de transfert obligatoire des compétences eau et assainissement, dont le cercle désormais connu des Ardéchois.

Mon collègue Mathieu Darnaud, au Sénat, avait fait adopté à l'unanimité en février 2017 une proposition de loi pour le maintien de cette compétence parmi les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération.

Je suis honoré d'avoir défendu, au nom des Républicains, ce texte, au mois d'octobre dernier, à l'Assemblée nationale, véritable coeur battant de la démocratie et du contrôle de l'action du Gouvernement – nous avons encore pu le mesurer ces derniers jours et ces dernières heures. Vous avez, à l'époque, balayé d'un revers de main ce texte soutenu sur de nombreux bancs, en le renvoyant en commission, sans prendre la peine de l'amender, nous conduisant dans une impasse.

Deux Ardéchois pouvant en cacher un troisième, ce fut Olivier Dussopt qui proposa, juste avant le congrès des maires, une porte de sortie honorable au travers de l'instauration d'une minorité de blocage.

Vous avez déminé avec talent le congrès des maires, madame la ministre. Cela n'a pas empêché l'Association des maires de France de dénoncer, ces derniers jours encore, l'écart entre les déclarations du Président de la République et la réalité de cette proposition de loi de la majorité, qui ferme de façon incompréhensible la porte de l'assouplissement aux communautés d'agglomération.

Pourquoi un tel manque de confiance à l'égard des maires et des élus locaux ? Pourquoi une liberté conditionnelle, bornée en 2026, même si, d'ici là, il passera beaucoup d'eau sous les ponts ?

Ce texte restera comme une occasion manquée, parce qu'il ne va pas assez loin, parce qu'il ne remet pas en cause le caractère obligatoire du transfert de compétences.

Nous continuons de penser que les communes sont les mieux placées pour apprécier l'échelle pertinente de mutualisation des services et pour organiser efficacement l'exercice de ces compétences, en fonction notamment des caractéristiques de la ressource – caractéristiques complexes et diverses sur le terrain, particulièrement en zone de pente et de montagne, Mme Battistel l'a rappelé et Mme Genevard y reviendra.

À force de coups de butoir, nous avons réussi à faire bouger les lignes. Certes, il s'agit non pas d'une grande victoire, mais plutôt d'un minimum syndical, qui n'apporte à ce jour aucune garantie face au risque de hausse brutale du prix de l'eau.

Le compromis trouvé ici à l'Assemblée nationale sur la gestion des eaux pluviales va dans le bon sens, tout comme l'assouplissement des règles de représentation-substitution au sein des syndicats. Comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment, sur ce texte, nous ferons contre mauvaise fortune bon coeur.

Désormais, mes chers collègues, l'enjeu est ailleurs. Après le report des premières conclusions des assises de l'eau – ce n'est pas un bon signal adressé aux acteurs – , le prochain combat, c'est la loi de finances.

Ce n'est pas parce que les intercommunalités détiendront de la compétence qu'elles disposeront de plus de moyens pour investir. En effet, votre majorité a porté un coup fatal aux budgets des agences de l'eau dans la dernière loi de finances. Je vous ai interpellée ici-même le 5 juillet dernier, sans succès, madame la ministre, sur la réalité des chiffres de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Ceux-ci illustrent concrètement les conséquences désastreuses de votre politique budgétaire. Avant que vous n'arriviez au pouvoir, le budget annuel de redevances était de 540 millions d'euros. Aujourd'hui, il est de 400 millions, soit un quart de ressources en moins, alors que les besoins de financement sont colossaux, à l'orée du onzième programme pluriannuel d'intervention. Comment, dans ces conditions, relancer l'investissement en matière d'eau et d'assainissement au coeur des territoires ?

Nombre de collègues, dont Martial Saddier, ne cessent d'alerter le Gouvernement sur les conséquences de cette politique qui remet en cause les solidarités financières entre territoires urbains et territoires ruraux, qui signe l'arrêt brutal du financement de l'assainissement non collectif et qui fragilise dès à présent la maquette financière des projets d'interconnexion, d'adduction d'eau, de stations d'épuration ou de rénovation du réseau.

Vous avez pris le risque de remettre en cause un principe fondamental dans notre pays, qui veut que l'eau paye l'eau. Mais tout n'est pas perdu : travaillons ensemble sur le projet de loi de finances pour 2019, afin de redonner à notre pays les moyens d'investir dans nos infrastructures d'eau et d'assainissement. Il y a urgence. C'est une priorité absolue, un levier de développement qui doit tous nous réunir, dans une conviction partagée : investir dans l'eau est bon pour l'environnement, bon pour l'activité économique et bon l'emploi.

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