Intervention de Olivier Schrameck

Réunion du mardi 17 juillet 2018 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) :

Ces questions portant sur des sujets très divers, je vais suivre l'ordre des interventions.

Madame Dumas, avant de vous répondre, je souhaite faire une observation sur un fait qui ne vous a certainement pas échappé compte tenu du rôle que vous avez joué au sein de votre groupe de travail sur l'audiovisuel public : l'article 3-1 de la loi de 1986, qui définit les missions placées sous la sauvegarde du CSA et qui concerne l'ensemble de l'audiovisuel, ressemble à un résumé de l'article 43-11 portant sur les sociétés nationales audiovisuelles publiques. Aussi me semble-t-il important de s'interroger en premier chef sur les exigences singulières qui s'attachent à un audiovisuel public fort et substantiellement financé.

Concernant l'outre-mer, différents problèmes se posent, comme l'extension de la TNT mais également le difficile équilibre économique de sociétés privées dont l'assise financière ne suffit pas, notamment en matière de revenus publicitaires, à leur assurer une pérennité. On constate également sur les chaînes de la métropole une sous-estimation de la réalité des outre-mer aussi bien pour les résultats électoraux que pour la météorologie, entre autres. Des efforts ont été faits, mais qui restent insuffisants et très inégaux. Je rappellerai enfin que la loi du 28 février 2017, que j'ai déjà mentionnée, a prévu que le gouvernement – et non le CSA – doit dans un délai de deux ans faire rapport au Parlement pour lui proposer les moyens d'une véritable égalité audiovisuelle entre les outre-mer et la métropole.

Monsieur Garcia, vous m'avez interrogé sur les moyens à mettre en oeuvre pour mieux protéger le jeune public. Le CSA fait d'importants efforts dans ce domaine. Nous avons d'abord mené une campagne de sensibilisation, que pour des raisons budgétaires nous avons dû réitérer, dont le slogan était « Les images violentes, on doit les éviter, sinon il faut en parler ». Nous allons lancer une deuxième campagne, qui sera différente, en novembre prochain.

Le CSA a également multiplié les campagnes sur l'interdiction de la pratique télévisuelle par les tout-petits. J'ai eu des contacts avec l'Académie des technologies et avec l'Académie des sciences, qui ont montré, dans des rapports solidement fondés, que de graves troubles du développement peuvent résulter de la pratique audiovisuelle chez les jeunes enfants. Personnellement, je pense que la limite actuellement fixée à trois ans ne suffit pas et qu'il faudrait établir une gradation, certaines restrictions en temps et en qualité étant nécessaires jusqu'à quatre, cinq, voire huit ans.

Par ailleurs, j'ai eu récemment un long entretien avec le ministre de l'éducation nationale dans le but de conjuguer nos efforts. Nous avons en effet créé un groupe de travail sur l'éducation aux médias, nous participons aussi au Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI) mais nous manquons de moyens. J'ai soumis au ministre plusieurs propositions qui me semblent avoir retenu son intérêt. La première serait de faire une réunion avec l'ensemble des responsables de l'audiovisuel pour les encourager à prendre des engagements pluriannuels de progression. Ma deuxième proposition était de développer une charte sur le modèle de celle qui m'a été proposée par la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et qui consiste à modifier sur le plan psychologique ou affectif la manière dont ces personnes en difficulté sont traitées, notamment grâce à l'emploi d'un lexique nouveau, ainsi que l'a noté Monsieur Minot.

Ma troisième proposition a été que les CTA, qui ont dans les régions un rôle de relais, s'investissent dans des actions de formation concertées avec les rectorats. Nous pourrions multiplier les expériences comme celle qui a été menée au rectorat de Créteil en février et mars 2018 afin de sensibiliser le jeune public à des exigences sociales fondamentales. Ces expériences gagneraient aussi à durer plus longtemps en y consacrant non plus deux demi-journées mais deux journées entières, dans un premier temps.

Enfin, nous avons conçu une brochure destinée aux écoliers et aux collégiens portant sur internet, la télévision et la radio. Nous souhaitons en faire un vade-mecum glissé dans tous les cartables. Ce projet, qui semble avoir plu à l'Éducation nationale, existe sous forme dématérialisée et l'imprimer pour en faire un document attractif en couleurs nécessite des fonds que le budget de fonctionnement du CSA ne lui permet pas d'engager.

Concernant la question du handicap, nous observons que, malgré plusieurs chartes sur les sous-titres et sur la langue des signes, certaines chaînes ne pratiquent toujours pas cette dernière. C'est le cas de France Médias Monde et de BFMTV, que je cite non à des fins de stigmatisation mais pour les encourager. L'emploi de la langue des signes à la télévision est très onéreux, puisqu'il faut compter environ 1 000 euros pour une émission dont le coût de sous-titrage s'élève à quelques centaines d'euros. Mais cet effort doit être réalisé pour des circonstances majeures comme les événements politiques qui concernent toute notre communauté nationale.

J'en viens aux chiffres accablants sur la représentation des handicapés, les rôles qu'on leur fait jouer et les excès de sexisme qui ont été cités. Des progrès sérieux ont été enregistrés, en particulier en ce concerne les femmes journalistes et les femmes expertes, et des chartes pour l'insertion professionnelle des handicapés et des femmes dans les organismes de formation des professions correspondantes ont été signées. Mais je dois dire qu'à cet égard le rapport 2017 du CSA reproduit malheureusement les conclusions des rapports des années précédentes, à peu de choses près. Or, la solidarité nationale ne peut pas se diviser.

Pour YouTube, nous pouvons dire que nous avons réussi ce que nous avons tenté. Nous avons en effet écrit à YouTube pour lui signaler qu'au regard des critères juridiques mais aussi financiers, car une disposition du code des impôts s'appliquant en la matière, il constituait un SMAD et que leur émission « Les Recettes pompettes », qui constitue un encouragement implicite à l'alcoolisme, contrevenait à la loi de 1986. Il nous a d'abord été répondu que tel n'était pas le cas mais, d'après une lettre que j'ai reçue, YouTube aurait changé d'avis. Nous avons eu un dialogue semblable avec Dailymotion. Ces exemples prouvent que nous ne devons pas avoir de complexes : il faut appliquer la loi le plus rigoureusement possible et si ces entreprises veulent aller en contentieux, qu'elles le fassent. En l'occurrence, il n'y a pas eu de contentieux.

Le sport à la télévision pose pour sa part deux problèmes fondamentaux. Le premier tient à la surenchère du financement. Car comme les masses financières ne sont, par nature, pas extensibles, l'argent dévolu au sport – on parle d'un milliard d'euros – pèse sur le financement des fictions et du documentaire, en ayant ainsi des conséquences sur l'action éducative des médias. En effet, comme je l'ai dit au ministre de l'éducation nationale, les médias sont un moyen de rattrapage éducatif et d'enrichissement culturel pour tous ceux qui sont sortis de l'école avec un bagage insuffisant et qui sont parfois 100 000 par génération. À ce titre, leur rôle est capital.

Le second problème concerne la diminution de la place du sport gratuit à la télévision. Je m'étais discrètement engagé, à une époque déjà lointaine, pour que les Internationaux de tennis de Roland-Garros restent l'apanage de France Télévisions. Mais d'autres sports comme la Formule 1 ont disparu de la télévision publique et des chaînes gratuites, ce qui pose un problème très sérieux puisque le sport est une occasion de fédération et de communion dont l'audiovisuel a lieu d'être fier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.