Intervention de Jean-Raphaël Alventosa

Réunion du mardi 31 juillet 2018 à 11h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-Raphaël Alventosa :

Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, de me recevoir malgré le calendrier très chargé qui est le vôtre et, par ailleurs, une actualité dont chacun sait à quel point elle est lourde.

Le questionnaire auquel j'ai essayé de répondre était très complet et il m'a semblé que les questions posées étaient les bonnes. Je ne vais pas commenter mes réponses, car cela prendrait un peu temps et vous avez un écrit qui est certainement mieux que ce que je pourrais vous dire oralement. Vous savez mieux que moi, qui rencontre les services depuis quelques jours, cette affaire étant tout à fait récente, pourquoi la loi a prévu un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Cela fait suite aux difficultés que rencontrent les candidats et les partis afin d'avoir accès au financement bancaire. Je dirai seulement quelques mots pour ouvrir le débat, avant d'écouter vos observations et de tenter de répondre à vos questions.

La loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique avait décidé deux choses : son article 30 a prévu qu'une ordonnance permettrait de prendre les mesures nécessaires – je crois qu'il était question d'une structure dédiée – en cas de défaillance avérée du marché, à compter du 1er novembre 2018, c'est-à-dire presque demain ; l'article 28 de la loi a prévu, par ailleurs, la création d'un médiateur du crédit. La première question à traiter était de déterminer si l'ordonnance s'imposait. Mme la ministre de la Justice vous a donné, le lundi 16 juillet, des informations dont il résulte que seul l'article 28 de la loi est maintenant opératoire.

Les difficultés tiennent, selon ce que je comprends et les documents auxquels j'ai pu avoir accès depuis la semaine dernière, à une méconnaissance mutuelle des deux grandes catégories d'acteurs en question : d'une part, le manque d'information des banques, en tout cas certaines d'elles, qui ne connaissent pas bien la problématique des candidats et des partis, notamment les règles de délai qui sont liées aux échéances électorales ; d'autre part, et cela ne paraît pas étonnant, le manque d'information des candidats et des partis sur les outils mobilisables, le réseau bancaire et son fonctionnement.

Il semble que l'articulation entre les délais d'octroi des prêts et les échéances électorales puisse poser des difficultés : les banques attendraient en général l'ouverture de la campagne officielle pour rendre leurs décisions, ce qui est trop tard ; en outre, d'après ce que j'ai pu lire, les candidats semblent engager des démarches auprès des banques de manière non systématique, souvent trop tardivement et sans faire jouer la concurrence. Dans ce cas, comme je l'ai indiqué en réponse à la question écrite qui m'a été posée, un médiateur pourrait répondre aux problèmes résiduels : j'ai cru comprendre, mais vous le savez mieux que moi, qu'il n'y a pas de problème dans la grande majorité des cas. Le médiateur devra d'abord établir un diagnostic technique afin de savoir quelle est l'ampleur du problème sous ses deux aspects : l'ouverture des comptes et, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, l'obtention des prêts.

Le médiateur pourrait conduire trois actions que j'ai indiquées par écrit.

Il pourrait, tout d'abord, mettre en relation les acteurs qui, dans certains cas, ne se connaissent pas, et il pourrait tenter de régler les problèmes résultant d'une interrelation défaillante entre les candidats et les acteurs bancaires locaux. Comme je l'ai souligné dans mes réponses écrites, un décret fixe des délais et un mode de saisine : le médiateur doit répondre, dans un délai de deux jours, si je ne me trompe pas, et essayer de trouver une solution. La médiation sera libre, bien sûr : comme pour toute médiation, la solution est totalement facultative.

La seconde action paraît également évidente : comme il y a un problème d'interrelation ou de méconnaissance mutuelle, le médiateur devra bien connaître le marché du crédit aux candidats. Il semble que des banques ne soient pas intéressées, mais que d'autres le soient, en revanche, tout simplement parce que c'est un marché – mais, là aussi, je pense que votre expérience est mille fois supérieure à la mienne.

Enfin, il faudra anticiper les difficultés. Je vois bien de quoi il peut s'agir : elles ne seront pas, me semble-t-il, de nature technique, contrairement ce que l'on voit dans le système de la médiation du crédit aux entreprises, où tout est très compliqué car il y a beaucoup de secteurs, de crédits et d'acteurs différents. En l'espèce, le sujet est relativement simple. La vraie difficulté est le pic, l'avalanche ou le tsunami, comme certains médias disent, qui pourrait se produire s'il faut traiter beaucoup de demandes en quelques jours. L'idée serait que le médiateur essaie de travailler le plus possible en amont, afin qu'il n'y ait plus que quelques personnes ayant des difficultés à ouvrir un compte ou à obtenir un prêt le jour « J », c'est-à-dire quelques jours avant les élections. Moins il y en aura, plus la médiation pourra fonctionner et moins elle aura besoin de moyens – c'est évidemment une préoccupation que l'on peut avoir sur ce sujet certes ponctuel, mais sensible.

Je ne l'ai pas indiqué dans mes réponses écrites, car la question ne m'a pas été posée, mais je vois quatre conditions du succès.

Il faudra, tout d'abord, travailler avec les banques, installer un système de confiance – la loi parle de « dialogue », ce qui me paraît évidemment nécessaire – et travailler avec les services de la Banque de France, qui est déjà un acteur très important du dispositif, puisqu'elle applique une procédure de droit au compte, laquelle fonctionne plutôt bien, mais pas toujours.

Il faudra également cerner les contraintes de la vie politique, c'est-à-dire des partis politiques et des candidats : la médiation devra bien les connaître. Là aussi, il faudra instaurer la confiance pour tenter d'anticiper les difficultés. Le médiateur devra être à l'écoute de tous les partis, sans exclusive, afin de pouvoir faire en sorte que tous aient un égal accès aux financements. C'est l'aspect le plus symbolique et le plus politique du dispositif. Le sujet est très important : il s'agit de faire en sorte que les grandes idées ne soient pas empêchées de s'exprimer parce que l'argent constituerait une barrière à l'expression la plus entière possible de la vie démocratique. Il faudra évidemment collaborer avec les services préfectoraux, qui connaissent bien les difficultés.

Une troisième condition du succès sera d'être indépendant. Le dispositif étant nouveau et les questions relativement sensibles, il pourrait y avoir d'importantes attentes, mais aussi quelques interrogations. Le médiateur devra évidemment se positionner hors de toute influence partisane, technique et professionnelle, ce que je devrais parvenir à faire si vous me donnez l'autorisation d'exercer cette fonction…

Enfin, comme on ne sait pas trop comment le dispositif va se mettre en place, puisque l'on ne connaît pas encore totalement le diagnostic technique, il faudra établir un rapport au plus tôt. La loi et le décret sont d'ailleurs bien faits : ils demandent la remise d'un rapport. Je le ferai plus vite que prévu, car j'aurai le souci de savoir, dans les mois qui viennent, comment le dispositif peut fonctionner – j'y aurai un intérêt presque personnel, et en tout cas technique. Je n'attendrai certainement pas les élections européennes pour voir si ça marche, pour regarder quelles sont les évolutions réglementaires, voire législatives, qui seraient nécessaires pour améliorer le dispositif, et pour faire en sorte de revenir vers vous.

Pour conclure sur une note que je veux considérer comme prometteuse, il n'est peut-être pas inutile de souligner que le dispositif de médiation existant dans le secteur économique fonctionne bien : tous les acteurs sont satisfaits, et ils viennent de signer des accords de place par lesquels les banques et les autres parties prenantes créent des procédures devant fonctionner le plus automatiquement possible, afin de coûter aussi peu cher que possible, tout en marchant correctement. Il faudra peut-être essayer de faire de même dans le secteur qui nous occupe aujourd'hui.

Je ne dis rien sur mon profil, car j'ai déjà livré beaucoup d'anecdotes dans mes réponses écrites, et je vous prie de m'excuser d'avoir versé dans ce penchant. J'ai un certain goût pour le service de l'État, la mission me paraît passionnante et, si vous voulez me la confier, j'espère être à la hauteur. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et entendre vos observations.

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