Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 17h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Pour répondre à Éric Woerth, Vinci est effectivement actionnaire d'ADP, à hauteur de 8 %, mais ce n'est pas le seul actionnaire : Schiphol a également 8 %, le Crédit agricole 5,1 % à travers Predica, les actionnaires individuels 4,3 %, les institutionnels non-résidents 15,8 %.

ADP a donc un certain nombre d'actionnaires, qui auront la liberté, comme n'importe quelle autre entreprise ou n'importe quel autre investisseur qui le souhaiterait, de participer au processus transparent et concurrentiel que nous mettrons en place dans le cadre de cette cession d'actifs.

Il existe par ailleurs, et vous le savez mieux que personne, une commission des participations et transferts, qui sera saisie. C'est une commission totalement indépendante, qui vérifiera la régularité des opérations que nous conduirons sur Aéroports de Paris.

Monsieur Bothorel, je crois avoir déjà répondu à votre question sur les délais de paiement et la protection des sous-traitants, notamment avec le passage de 5 % à 20 % de l'obligation de paiement immédiat par l'État dans le cadre d'une commande publique.

Madame Hai, sur les PEA-PME et l'éducation financière, je rappelle qu'un important travail est conduit, avec les associations, avec le ministère de l'Éducation nationale et avec la Banque de France, sur le développement de l'éducation financière. Nous avons rendu, la semaine dernière, avec Jean-Michel Blanquer et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, un certain nombre de propositions sur l'éducation financière. Elle doit effectivement donner à tous les Français un accès plus large à des produits d'épargne financière plus intéressants que ce qu'ils peuvent choisir couramment.

S'agissant de la dynamique sur le territoire, je crois que la vocation de PACTE est de créer du dynamisme économique dans l'ensemble de notre pays, sans différenciation d'un territoire à l'autre.

Monsieur Pauget, nous savons tous, hélas, que les start-up françaises, lorsqu'elles sont parvenues à un certain niveau de croissance, sont très souvent rachetées par des investisseurs étrangers, par des fonds qui disposent de moyens plus importants, ou par les très grandes entreprises du digital. Pourquoi ? Parce qu'elles ont un problème de financement en fonds propres. Donc toutes les mesures que nous prenons sur le financement en fonds propres, que ce soit la possibilité de s'introduire plus facilement en bourse, le développement du PEA-PME, ou le développement de l'épargne retraite, doivent remédier à cette difficulté. Vous avez raison de la souligner : il y a un problème de financement en fonds propres, donc un problème de croissance des start-up. Nous y remédions par le développement de ces produits financiers.

M. Kasbarian m'a interrogé sur les produits de cession. L'objectif, je le répète, est d'avoir des revenus réguliers pour le financement de l'innovation de rupture, que nous n'arrivons pas à financer aujourd'hui. Il ne s'agit donc pas de vendre les bijoux de famille pour acheter telle ou telle participation, et aucun produit de cession ne sera directement affecté à une technologie nouvelle, ou à un défi nouveau en termes d'innovation de rupture.

Quant à la taille des investissements, nous estimons que le ticket doit être de l'ordre de 30 millions d'euros par défi, pour éviter le saupoudrage. Sur ce fonds pour l'innovation de rupture, 70 millions d'euros seront donc consacrés au financement des start-up de deep tech, et le reste, environ 200 millions d'euros, à quelques tickets, de l'ordre de 30 millions d'euros, pour quelques défis clairement définis par les personnalités qualifiées qui composent le conseil pour l'innovation, puis retenus par Frédérique Vidal et moi-même.

Madame Louwagie, vous connaissez mon évaluation de la fiscalité de production en France. J'estime qu'elle est trop lourde et qu'elle pèse sur la compétitivité de nos entreprises. Mais nous commençons à la réduire. Car le forfait social en fait partie. Supprimer le forfait social à 20 % sur l'intéressement, c'est donc commencer à baisser la fiscalité de production qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises. Pourrons-nous aller plus loin ? Je le souhaite, même si je ne peux pas vous dire quand nous le ferons.

S'agissant de la participation, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESAS) a remis un rapport qui, loin de faire consensus, fait l'objet de débats et de contestations, parfois, de la part des entreprises qui sont concernées. Je crois donc qu'il ne serait pas de bonne politique de retenir de telles propositions sur la participation, même si je reconnais bien volontiers que la formule de la participation est beaucoup trop complexe et qu'il faut la simplifier.

Mais il faut faire attention, là aussi, à ce que cette simplification ne se solde pas par une pénalisation de nos entreprises qui serait totalement irresponsable. Nous avons donc demandé, avec Muriel Pénicaud, que l'IGF et l'Inspection générale de l'administration (IGA) se saisissent à nouveau de la question et nous remettent des propositions sur la participation. Et s'il est possible, lors de l'examen de la loi, d'introduire par amendements des dispositifs de participation qui soient convaincants et responsables, nous le ferons bien volontiers.

Sur Business France, monsieur Tan, nous avons effectivement voulu, pour le coup, en simplifier la gouvernance. Nous avons donc supprimé les sièges réservés aux parlementaires, mais aussi ceux réservés aux représentants des CCI. Tout le monde est donc concerné par cette simplification, qui doit permettre de rendre plus efficace la gouvernance de Business France.

Pourquoi ne supprimons-nous pas, madame Brunet, le forfait social sur la participation ? Pour une raison simple : la participation est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Par conséquent, supprimer le forfait social provoquerait un effet d'aubaine considérable pour les entreprises. L'objectif est de développer l'intéressement pour les salariés, leur permettre d'avoir une meilleure rémunération quand l'entreprise fonctionne bien, non de faire des cadeaux inutiles aux uns ou aux autres.

Monsieur Laqhila, sur la RSE, je pense que nous avons déjà largement répondu, mais je suis prêt à vous apporter des compléments par écrit.

Je n'ai aucune objection, monsieur Jolivet, à ce que l'on dise que ce texte est d'inspiration gaulliste. Cela ne vous surprendra pas. Je crois à la souveraineté économique de l'État. Le tout est de trouver un équilibre entre le développement offensif de l'innovation – de l'innovation incrémentale grâce à la transformation fiscale, et de l'innovation de rupture grâce au fonds pour l'innovation – et une meilleure protection contre les investissements qui pourraient s'attaquer à des technologies sensibles ou à des savoir-faire particuliers.

Le décret sur les investissements étrangers en France (IEF) sera donc renforcé. Les secteurs soumis à autorisation seront étendus à l'intégrité, la continuité et la sécurité des opérations spatiales ; à l'intégrité, la continuité, la sécurité de la circulation des aéronefs et des drones ; aux activités de recherche et de développement portant sur les technologies critiques comme la cybersécurité, l'intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive ou les semi-conducteurs ; et à l'hébergement de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte aux autres activités soumises à autorisation.

Par ailleurs, nous avons prévu des dispositifs de sanction plus progressifs, qui seront donc plus dissuasifs, puisque les sanctions seront réellement appliquées.

Enfin, nous avons prévu la possibilité d'un rescrit pour les entreprises, pour répondre aux inquiétudes de ceux qui, comme le maire du Touquet et certains acteurs de la French tech, craignent que ce renforcement du décret IEF ne fasse fuir les investisseurs, qui ne jugeraient plus possible d'investir dans les technologies sensibles en France. Nous le prévoirons, avec une autorisation préalable qui permettra à ces entreprises d'investir, et un rescrit qui leur garantira la sécurité fiscale.

M. Guerini m'a interrogé sur la soft law et le code AFEP-MEDEF. Ce code a été révisé le 20 juin 2018, à la suite – notamment – de l'affaire Plassat, du nom de l'ancien dirigeant de Carrefour, dont j'avais dit très clairement que j'estimais choquantes les conditions de départ. Personne ne peut comprendre qu'une personne de 67 ans puisse disposer d'une clause de non-concurrence rémunérée plusieurs millions d'euros. C'est choquant, c'est incompréhensible et cela demande modification.

La révision du code a donc renforcé les missions du conseil d'administration, instauré l'encadrement des conditions de conclusion d'un accord de non-concurrence et d'attribution des régimes de retraite supplémentaires, et augmenté le nombre des membres du HCGE. J'estime que cela va dans la bonne direction. Est-ce que l'on peut aller plus loin ? Je crois que oui, notamment sur l'indépendance de ce code, sur les émetteurs de ce code de gouvernance, et sur la manière dont sont appliquées les dispositions du code et dont est surveillée leur bonne application.

J'ai reçu, il y a peu de temps, le président de l'AFEP, et je lui ai dit que la base était bonne, mais qu'elle pouvait encore être améliorée, que le haut comité de gouvernement d'entreprise devait faire preuve de plus de transparence dans ses travaux, et que sa composition devait être ouverte à un échantillon de personnalités plus vaste que celui qui a été retenu. J'attends donc les réponses de l'AFEP sur ce sujet. Quand on est dans la bonne direction, il faut persister et transformer l'essai.

Pour répondre, enfin, à la question sur le code du travail, je répète que nous nous sommes engagés, vis-à-vis des organisations syndicales, à ne pas remettre en cause la représentativité syndicale dans le cadre de ce texte de loi sur la croissance et la transformation des entreprises. Nous ne faisons que tenir notre engagement

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