Intervention de Boris Vallaud

Réunion du mercredi 5 septembre 2018 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Avant toute chose, permettez-moi de présenter les excuses de notre collègue Dominique Potier, très impliqué au sein du groupe Nouvelle Gauche sur ce projet de loi, et qui est retenu en circonscription pour des obsèques. Je me fais son porte-parole aujourd'hui.

Voir arriver ce projet de loi, c'est comme retrouver un vieil ami, tant nous y retrouvons, en dépit de la coconstruction, des dispositions déjà envisagées en 2015 par le ministre de l'économie de l'époque dans le projet de loi alors baptisé NOE – acronyme de « nouvelles opportunités économiques ».

Pour nous, députés socialistes, ce texte sera l'occasion de vous proposer, chers collègues, un autre retour en arrière. En janvier dernier, nous avions voulu défendre une proposition de loi, intitulée « nouvelles entreprises, nouvelle gouvernance », que vous aviez refusée d'examiner en votant un renvoi en commission, au prétexte de la préparation de la loi PACTE.

Nous y voici. Vous allez enfin pouvoir examiner nos propositions.

Nous vous proposerons donc de modifier dans le code civil la définition de la société, pour qu'elle soit « gérée conformément à l'intérêt de l'entreprise, en tenant compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de son activité ». Cette rédaction est différente de la vôtre et trace des ambitions supérieures à celles du rapport de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, dont les auteurs avaient eu l'amabilité de nous entendre.

Nous vous proposerons de reconnaître les salariés comme une réelle partie constituante de l'entreprise, exposés à ses risques et impliqués dans sa vie comme dans sa stratégie, et ce en renforçant substantiellement le nombre d'administrateurs salariés, de manière à donner la préférence aux stratégies industrielles par rapport aux stratégies actionnariales, à l'investissement productif et aux salaires par rapport aux dividendes, et à défendre la base industrielle française face aux délocalisations prétendument compétitives.

Nous vous proposerons de donner un droit de vote triple aux actionnaires détenant leurs actions depuis au moins cinq ans, pour favoriser l'actionnariat de long terme contre le court-termisme des marchés.

Nous vous proposerons d'obliger les entreprises à faire la transparence sur les écarts de rémunération et d'encadrer ceux-ci, afin que les entreprises soient amenées à choisir entre une politique salariale plus juste et une fiscalisation des rémunérations excessives.

Nous formulerons aussi des propositions, comme une mise à jour du dispositif des sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO), instaurées par la loi Aristide Briand du 26 avril 1917 ; elle offre une réelle place aux salariés dans la gestion de l'entreprise. Nous savons ainsi, parfois, tracer des chemins pour l'avenir en marchant dans les pas de nos prédécesseurs.

Ce ne sont pas là de nouvelles contraintes, mais de nouvelles libertés, du pouvoir donné aux femmes et aux hommes impliqués dans la vie d'une entreprise, qu'ils soient dirigeants ou salariés, pour qu'ils puissent développer celle-ci de manière durable, responsable, conforme aux intérêts de l'entreprise comme à l'intérêt général.

Nous plaidons pour l'union des forces productives et pour de nouveaux leviers de productivité, fondés sur la loyauté, sur la responsabilité, sur la démocratie d'entreprise et sur l'innovation. Nous serons extrêmement vigilants, en ces matières, contre toute tentative de falsification : derrière les mots – qui sont en effet parfois les mêmes dans votre bouche et dans la nôtre, il y doit y avoir des actes forts.

Ce n'est pas, comme le Gouvernement le propose, en supprimant les stages de préparation à l'installation des artisans, en faisant des salariés des actionnaires ultra-minoritaires aux droits dérisoires, en excluant du conseil d'administration de Business France les réseaux consulaires pourtant acteurs du développement international des entreprises, en réduisant les obligations de certification comptable des entreprises, en facilitant la confusion entre les biens professionnels des micro-entrepreneurs et leurs biens personnels, en amputant de manière aveugle les moyens des chambres de commerce et d'industrie, que vous allez donner aux hommes et aux femmes, aux créateurs, aux entrepreneurs, aux innovateurs, aux salariés, aux artisans, aux commerçants qui, chaque jour, prennent des risques, plus de liberté et de pouvoir de développer leur entreprise dans une vision de long terme

Ce n'est pas non plus, comme vous le proposez, en privatisant Aéroports de Paris, la Française des Jeux et Engie, que vous soutiendrez l'innovation, puisque les dividendes perçus par l'Etat sur les résultats de ces entreprises suffiraient à financer votre fonds de l'innovation de rupture. D'une manière générale, les privatisations n'ont jamais tenu lieu de politique industrielle. Nous aurions intérêt à tirer les conclusions sans parti pris, de la destruction d'un fleuron industriel comme la Compagnie générale d'électricité (CGE), afin de définir une stratégie de l'État actionnaire.

Pour faire de cette loi une loi de progrès, pour offrir un cadre juridique permettant aux entreprises de donner le meilleur d'elles-mêmes au bénéfice d'un développement économique soutenable, pour donner aux millions de Françaises et de Français qui, chaque jour, oeuvrent au développement de leur entreprise, de réels pouvoirs dans la conduite des projets, nous vous inviterons donc à modifier substantiellement votre projet de loi.

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