Intervention de Bruno le Maire

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je me réjouis que nous ayons cette discussion approfondie, quoi qu'en pensent ceux qui estiment qu'on passerait à côté du débat.

Je crois à la liberté d'entreprendre, mais aussi – rassurez-vous, monsieur Potier – à la responsabilité. Encore faut-il savoir quelle économie nous voulons construire pour notre pays. Je vous confirme que je continue de trouver le système, tel qu'il existe aujourd'hui, aberrant et totalement symptomatique de la dérive administrative française en matière économique.

Au départ, il n'y avait pas de stage préalable à l'installation. En 1982, on a voté une loi instaurant un stage préalable à l'installation obligatoire, dans l'idée de donner des compétences en gestion. Puis on s'est aperçu qu'il y a quand même quelques artisans qui avaient une compétence en gestion ; alors on a publié un arrêté, rappelé par Laure de La Raudière. Si c'est votre vision de l'économie, très bien ! Mais ce n'est pas la mienne, et je suis un peu surpris de l'entendre défendre par certaines personnes que je croyais d'opinion plutôt libérale en matière d'économie.

Ces dérogations créent des incertitudes, d'autant que la liste établie est totalement ubuesque. Je me permets de vous la lire, pour que nous soyons bien d'accord sur son contenu : est dispensée du stage préalable à l'installation toute personne pouvant présenter soit un certificat de scolarité, soit un certificat concourant à l'obtention du diplôme – tout cela n'étant pas d'une précision extrême – soit des certificats figurant en annexe du présent arrêté… Annexe recensant très exactement quinze exceptions ! Encore vous faut-il exciper soit des titres ou des certificats figurant en annexe du présent arrêté, soit du document permettant d'en justifier l'obtention, les titres en question correspondant à des diplômes de niveau de qualification I et II visés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, délivrés par les établissements d'enseignement supérieur technique privés et consulaires pour des formations de commerce et de gestion, dont la liste est publiée par bulletin officiel spécial édité par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche…

Il n'y a vraiment qu'en France qu'on peut imaginer tout cela ! Nous sommes vraiment le seul pays au monde où, avant de vous installer comme artisan, il vous faut aller consulter un arrêté de la direction générale des entreprises, qui renvoie lui-même à un arrêté du ministère de l'éducation nationale, lequel vous permet de savoir si vous avez le bon diplôme et si vous êtes vraiment dispensé du stage préalable après avoir obtenu votre CAP de coutellerie ou de coiffeur ! Si vous êtes en accord avec cette vision de l'économie, très bien, mais sachez que ce n'est pas la mienne.

Mais ne croyez pas que je vais vous épargner la lecture de la fin de cet arrêté : puisque vous voulez qu'on aille au fond des sujets, allons-y !

Sont également dispensés ceux qui disposent du diplôme d'expertise comptable – cela se comprend mieux – du diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, du diplôme de comptabilité et de gestion, sauf ceux qui n'auraient pas accompli la fin de ce diplôme – cela me paraît logique (Sourires). Autres diplômes autorisant une dispense : les licences et les masters comportant des enseignements relatifs à l'administration et la gestion d'entreprise ou à la création-reprise ou à l'entreprenariat – assurez-vous que votre licence ou votre master comporte bien des enseignements relatifs à l'administration et à la gestion d'entreprise, ce n'est pas simple –, le BTS comptabilité et gestion, le DUT gestion administrative et commerciale des organisations, à l'exception des DUT qui ne comportent pas la filière commerciale des organisations… Vérifiez bien que vous êtes dans le bon DUT ou le bon BTS, sinon vous ne pouvez prétendre à l'exception ! Viennent ensuite le titre professionnel gestionnaire de petite ou moyenne structure, à l'exception des structures dépassant le seuil de dix salariés, le titre professionnel comptable gestionnaire, le brevet de maîtrise délivré par une chambre de métiers et de l'artisanat, le certificat de capacité professionnelle de conducteur d'un véhicule de transport public particulier, sous réserve des conditions prévues à l'article R. 3120-7 du code des transports !

C'est ubuesque et totalement kafkaïen, cela crée de l'incertitude. Je remercie Laure de La Raudière de m'avoir rappelé que mon administration…

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