Intervention de Bruno le Maire

Réunion du vendredi 7 septembre 2018 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je me félicite de la qualité du débat que nous avons.

Je commencerai par remercier Laure de La Raudière pour l'exemple qu'elle a apporté. C'est l'illustration la plus frappante des choix que nous avons à faire. Je préfère en effet que les PME investissent 5 000, 6 000 ou 7 000 euros dans leur digitalisation plutôt que dans une obligation à laquelle les autres entreprises européennes de même taille ne sont pas soumises.

Je rappelle ensuite à Mme Louwagie que nos propositions en faveur des experts-comptables bénéficieront aux commissaires aux comptes puisque 90 % de ces derniers sont également experts-comptables et que nous allons développer des passerelles entre les deux professions. C'est un des éléments importants de la réforme que nous portons.

Nous avons, monsieur Potier, entendu les demandes sur les questions de RSE puisque non seulement les commissaires aux comptes pourront réaliser des audits en la matière, ce qu'ils font déjà, mais nous allons aussi permettre le développement d'attestations ciblées qui seront utiles à la fois aux commissaires aux comptes et aux entreprises. Je souhaite que ces attestations ciblées de conformité en matière d'engagement sur la RSE soient développées sur d'autres sujets, en particulier le cyber-risque et la lutte contre la corruption. Cela ouvrira pour les commissaires aux comptes des perspectives de développement importantes.

Enfin, vous avez, monsieur Quatennens, parfaitement posé le débat sur nos désaccords politiques mais aussi, je tiens à le dire, sur de vrais points d'accord. S'agissant de nos désaccords, j'estime que la diminution d'un certain nombre de règles trop contraignantes par rapport à nos partenaires européens ainsi que l'allégement des charges et prélèvements permettront à nos entreprises d'être plus compétitives, et donc d'augmenter leurs carnets de commandes. Si le carnet de commandes n'est pas suffisamment fourni aujourd'hui, c'est parce que nos produits n'intègrent pas assez d'innovations, ne sont pas au niveau technologique où ils devraient être ni n'ont le niveau de qualité requis.

En revanche, je vous rejoins sur plusieurs points. Sur le local syndical, je rappelle que j'ai pris la décision de revenir sur le seuil de 250 et de maintenir le seuil de 200. C'est un geste politique très fort de la majorité en direction des organisations syndicales ; nous avons entendu les critiques sur le sujet. Je vous rejoins également sur l'idée de la grande bifurcation écologique, c'est un défi considérable et je suis convaincu que la France a tout intérêt à investir massivement dans la transition écologie et les énergies renouvelables, en y mettant l'innovation et les technologies nécessaires pour être à la pointe de cette transformation.

Je vous rejoins également sur l'harmonisation fiscale et sociale européenne et je tiens à vous dire que je livre ce combat tous les jours. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la taxation des GAFA. Je suis obligé de me rendre ce soir à Vienne afin de continuer à me battre pour obtenir une juste taxation des géants du numérique. L'Europe est là aussi face à une grande bifurcation. Soit elle continue de se soumettre à la Chine et aux États-Unis, soit elle affirme ses valeurs et son indépendance. Les citoyens, en politique, vous jugent sur vos décisions. Je le dirai avec autant de gravité à mes homologues ministres européens : dans six mois, les peuples européens vont nous juger et ils verront si nous acceptons de garder quatorze points de fiscalité de moins pour Google, Amazon et Facebook que pour nos PME françaises, italiennes, allemandes ou espagnoles. Ils verront et ils jugeront. Ils verront si nous sommes capables de nous attaquer à un des grands problèmes économiques européens qui est le caractère monopolistique de ces grandes entreprises ayant des niveaux de capitalisation supérieurs à ceux de 90 % de la richesse nationale des États de la planète. Ils verront si nous allons vers du dumping social et fiscal ou vers de l'harmonisation. Je me bats pour l'harmonisation. Nous avons trouvé un accord avec les Allemands sur l'harmonisation de la base fiscale de l'impôt sur les sociétés. Si nous allons vers le moins-disant fiscal, vers 10 ou 8 % d'impôt sur les sociétés, nous en crèverons tous car il n'y aura plus de services publics, plus de financement du bien public, plus de financement de l'innovation. Être plus compétitif ne veut pas dire renoncer au financement du bien commun.

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