Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mercredi 12 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

La ligne générale de pente de l'Union européenne et de la nouvelle PAC, c'est en effet la renationalisation des politiques agricoles, c'est-à-dire l'exaltation de la compétition entre les pays, toujours sur le même mode : produire plus n'importe comment pour produire n'importe quoi, peu importe du moment que cela se vend – je ne dis pas que les intéressés le veulent, mais ils y sont poussés – , avec l'idée que le marché mondial épongera tous les excédents. Au moment où l'on s'ouvre sur le monde, dit-on, au moment où l'on veut beaucoup exporter, chacun comprend pourquoi les prix mondiaux, même l'aspect financier mis de côté, ne peuvent être stables puisqu'on trouve sur le marché mondial essentiellement les excédents des uns et des autres, excédents qui tuent les agricultures locales. Et que fait-on là aussi ? La réponse est : rien. Qu'on ne me dise pas que je fabule quand je dis que les marchés agricoles vont être de plus en plus ouverts, car c'est la révolution de la mondialisation, qu'on ferait mieux d'appeler globalisation car le monde a toujours été mondialisé, c'est-à-dire la globalisation financière. La Commission européenne et les directives sont parfaitement claires sur les objectifs à atteindre comme le montre encore la récente proposition de règlement européen puisque celle-ci prévoit que l'aide aux agriculteurs n'ait dorénavant que « pas ou peu d'incidences sur les échanges commerciaux ». C'est la théorie du libéralisme : les marchés doivent être purs et parfaits, et la concurrence libre et non faussée. Il s'agit « de faire en sorte que l'Union puisse respecter ses obligations [... ] définies dans l'accord de l'OMC ». C'est une confirmation de l'alignement des prix agricoles sur les cours mondiaux alors que ceux-ci ne peuvent que fluctuer, n'étant autre chose que le résultat de la spéculation. En conséquence la destruction quasi-totale du modèle agricole que nous connaissons est assurée. Ce n'est pas une probabilité : c'est une certitude ! De surcroît, cela provoque dans l'agriculture réelle, celle de la production, de nouveaux phénomènes de concentration qui, cette fois, ne concernent pas tant les terres – elles le sont déjà tellement – que la façon de produire, notamment dans l'élevage – vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre – , et ce alors que nous avons encore certains éleveurs qui continuent à se comporter comme des paysans. J'ai entendu un jour quelqu'un du Nouveau monde dire avec humour : « Nous, nous n'avons que des animaux archaïques puisque nous leur donnons à manger de l'herbe tandis que vous autres, les Européens, leur donner à manger de la farine animale. » Et cela amusait beaucoup ce Brésilien, mais cela n'amuse plus personne parce que leurs bêtes à eux aussi ne mangent plus maintenant seulement de l'herbe mais aussi toutes sortes de cochonneries que nous nous interdisons de produire chez nous alors que leurs produits viennent pourtant concurrencer les nôtres. Et cette concurrence est absurde, monsieur le ministre : vous ne m'avez pas rassuré en disant que vous discutez avec le Mercosur. À quoi bon de la viande argentine en France ? ! Il peut y en avoir à des conditions particulières, mais pourquoi en amener des tonnes et des tonnes ? Ne serait-on pas capable d'en produire ? Bien sûr que si.

Et puis il y a la question du soja, le seul produit qui n'avait pas été intégré dans le Marché commun et le seul où l'Europe s'en est dès lors trouvée immédiatement déficitaire. Quant à tous les autres, en même pas trente ans, l'agriculture française et européenne était devenue autosuffisante. C'est la preuve par les faits que le libéralisme, le libre-échange, n'est pas compatible avec une agriculture saine, une agriculture qui produit en quantité suffisante ce dont les gens ont besoin. Le bilan de notre pays vaut démonstration.

Et maintenant, les choses vont aller bien entendu en s'aggravant. La nouvelle PAC, qui démantèle l'ancienne, rouvre la voie à des compétitions qui vont donner lieu à des concentrations du type de celles que je dénonce. Et c'est là que l'on voit quel rapport a la lutte contre la souffrance animale avec la lutte pour un modèle d'agriculture aboutissant à des prix...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.