Intervention de Delphine Batho

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

... ce qui devrait être un scandale national. On voudrait décourager l'élan du monde agricole vers le grand tournant de l'agroécologie que l'on ne s'y prendrait pas autrement !

Mais ici, à l'Assemblée nationale, l'appel au sursaut a-t-il été entendu ? Normalement, le Gouvernement aurait dû déposer une multitude d'amendements pour compléter le titre II de ce texte, dont les avancées ne sont pas à la hauteur de la destruction en cours du vivant. Normalement, il devrait y avoir un changement de vision de l'exécutif et de comportement de tous les groupes. Je pense à cette scène surréaliste, lors des débats en première lecture, au cours de laquelle s'est nouée une alliance spectaculaire entre Les Républicains, le MODEM, le groupe UDI, Agir et indépendants, des députés du groupe LaREM, et jusqu'aux socialistes et aux communistes, pour s'opposer à des mesures aussi élémentaires que la protection des riverains contre les épandages de pesticides.

Le vrai clivage, chers collègues, n'est plus dans les différences entre vos groupes; il passe désormais entre les terriens et les destructeurs; il y a ceux qui veulent des coquelicots et ceux qui n'en veulent pas. Là est le vrai clivage dans notre République. Nous verrons ce qui se passera lors du vote sur l'interdiction du glyphosate. Rappelons que ce dernier est le seul pesticide classé cancérogène probable par l'Organisation mondiale de la santé à être autorisé en France. Tous les autres pesticides de cette catégorie sont interdits.

Vous prétendez que nous sommes tous d'accord sur l'objectif de sortie du glyphosate et que seule la méthode ferait débat. Celle que vous défendez est factice : elle repose sur les plans « Écophyto » successifs et sur les engagements volontaires, qui sont des échecs patents. Qui peut croire que le contrat de solutions qu'on nous propose est sérieux, quand il est cosigné par les représentants des firmes de l'agrochimie ? Qui peut accepter que les pouvoirs publics se défaussent de leurs responsabilités sur le dos des agriculteurs ? En effet, vous faites porter le fardeau des pesticides et du glyphosate au monde agricole, comme si c'était à l'agriculteur travaillant dans son champ d'en organiser la sortie, alors que le produit est autorisé ou interdit par les pouvoirs publics. Le summum est le nom que le Gouvernement a donné à son plan pour la sortie du glyphosate – « Task force », le même que celui du lobby européen du glyphosate.

Chers collègues, en 2015 et 2016, lors du débat sur l'interdiction des néonicotinoïdes, nous avons entendu les mêmes arguments ; nous n'étions au départ qu'une poignée de députés à défendre l'interdiction des néonicotinoïdes. Le 1er septembre dernier, tous, même ceux qui n'avaient pas levé le petit doigt pour l'interdiction par la loi des néonicotinoïdes, se réjouissaient de cette mesure dans des communiqués sur Twitter, et le Gouvernement disait que c'était grâce à lui que cette interdiction avait été adoptée. Eh bien, tant mieux ! Alors votez l'interdiction du glyphosate, et le jour où elle entrera en vigueur, vous direz, comme vous l'avez fait pour les néonicotinoïdes: « C'est grâce à nous ! ».

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