Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, à mon tour, j'interviens – bien modestement – dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, qui est déterminant pour la santé publique, la viabilité de l'agriculture et les relations commerciales entre le secteur primaire et agroalimentaire d'une part et la grande distribution d'autre part.

Deux mots sur la méthode. Comme en première lecture, en raison du recours à la procédure du temps législatif programmé, les députés non inscrits se trouvent privés d'un temps de parole suffisant pour aborder sérieusement ces questions de première importance, ce qui ne nous semble pas très juste et très regrettable.

Par ailleurs, je déplore l'échec de la commission mixte paritaire. Nous espérons, pour notre part, que le développement de l'agriculture et l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs ne dépendent pas de compétitions politiques bloc contre bloc, moins encore de la pression d'intérêts particuliers, même si nous n'ignorons pas l'importance des sommes mises en cause, à des titres divers, en raison de l'évolution du projet de loi.

Je voudrais surtout souligner les difficultés vécues au quotidien par tant d'agriculteurs. Le secteur primaire regroupe aujourd'hui 885 000 exploitants, nombre malheureusement en chute continue. En 2016, le revenu brut moyen d'un agriculteur s'établissait à 18 300 euros, ce qui en dit long sur la précarité vécue par beaucoup d'entre eux. Et, si l'on se fie aux chiffres du ministère de l'agriculture, ce montant avait baissé de 19 % par rapport à l'année précédente, alors que dans le même temps les prix des produits agricoles avaient augmenté de 4,8 % : globalement, la corrélation entre les prix des denrées et le salaire de ceux qui les produisent est faible, voire inexistante. Conséquence difficilement acceptable, une part de plus en plus importante d'agriculteurs ne peuvent plus vivre dignement de leur métier. Tout ceci – c'est le moins que l'on puisse dire – est anormal.

J'ai eu l'occasion de le dire en première lecture : dans un monde globalisé et capitalistique, la loi doit avoir pour objectif de protéger les plus fragiles et de corriger la distorsion économique et juridique existant dans une relation commerciale. On le sait, les centrales de distribution et les grandes et moyennes surfaces sont des mastodontes qui écrasent tout sur leur passage : les producteurs, les artisans, les commerçants, et, in fine, la qualité de la vie.

Il s'agit pour nous de rétablir une justice sociale dans la relation commerciale. L'instauration de sanctions liées au manquement aux obligations contractuelles, le relèvement du seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions nous semblent de bonne politique ; ces mesures adressent un message fort : la distribution ne peut primer sur la production.

Les espoirs nés des états généraux de l'alimentation ne doivent pas se transformer en désillusions.

Je souhaite aussi exprimer ici l'inquiétude que suscite chez les agriculteurs corses – dont beaucoup sont en situation de précarité, pour ne pas dire de survie – la renégociation de la politique agricole commune. Notre île, au sein de laquelle la filière agricole joue un rôle croissant dans la production de biens comme dans l'aménagement et la valorisation du territoire, peut être durement affectée par les perspectives, telles qu'elles nous arrivent, de la nouvelle PAC. En relation directe avec le sujet du jour, je souligne que notre île joue à fond la carte de la qualité.

Je voudrais également évoquer la condition animale. Les conditions d'élevage et d'abattage s'éloignent trop souvent du respect minimal dû aux animaux ; certaines images qui nous sont proposées témoignent d'une inhumanité qui nous révulse. Il est de notre devoir d'intervenir et de légiférer en la matière. L'avancée de la loi sur les mauvais traitements, même modeste, reste une avancée. Encore faut-il pouvoir témoigner de mauvais traitements : nous espérons que l'expérimentation de la vidéosurveillance en abattoirs sera autre chose qu'un faux-fuyant et ouvrira de nouvelles perspectives. Je n'évoquerai pas les conditions de vie animale dans certains élevages suidés ou avicoles, qui appellent réforme.

Cette loi doit être aussi l'occasion de définir des objectifs clairs en matière de qualité nutritionnelle. Agir sur les taux de sucre, de sel, de gras, sensibiliser, prévoir un étiquetage plus explicite, promouvoir le bio, réduire le volume de traitement en produits phytosanitaires, interdire le glyphosate, assurer la valeur ajoutée des labels AOC – appellation d'origine contrôlée – , IGP – indication géographique protégée – et AOP – appellation d'origine protégée – face aux marques de distributeur : tous ces objectifs restent d'actualité. Nous prenons acte des avancées proposées dans ces divers domaines que je viens d'évoquer et dans d'autres, et nous souhaitons voir dans cette loi un premier pas, une avancée qui en appellera d'autres.

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