Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 11

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Je reste un peu sans voix, chère Célia de Lavergne, face à ce panégyrique édifiant. Notre évaluation du projet de loi est peut-être plus mesurée : je l'exposerai en temps voulu. Nous avons tendance à penser, toutefois, que ce texte est plutôt la consolidation ou la finition d'un gros oeuvre accompli au cours de la législature précédente : nombre d'observateurs de bonne foi le disent, et le ministre lui-même reconnaît que ce texte est non pas un projet de loi de programmation ou d'orientation mais un texte pragmatique, par lequel on s'efforce d'apporter des solutions ici et là. Les grands mots, tels que le « changement de modèle », ne conviennent donc peut-être pas à ce qui est plus modestement engagé ici : nous y reviendrons au terme de nos débats.

Je veux seulement, à ce stade, revenir sur l'objet précis de l'article. Celui-ci constitue-t-il ou non un virage ? C'est ce que nous verrons avec le débat sur les amendements. De quoi parle-t-on ? Des cantines scolaires. C'est un peu l'effet lampadaire : puisque c'est éclairé, on en parle et on cherche des solutions. Mais, ce faisant, on oublie toutes les zones restées dans l'ombre, en l'occurrence la restauration privée, la restauration familiale et toutes les autres formes de restauration.

En ce domaine, il est difficile d'obtenir des chiffres consolidés mais – vous me contredirez si je me trompe, monsieur le ministre – les chiffres varient entre 3 % et 7 % – disons 5 % – de l'alimentation. C'est beaucoup, mais ce n'est que 5 %. Lorsque l'on dit que 50 % de cette alimentation deviendra bio ou locale, on ne parle finalement que de 2 % à 3 % de l'ensemble de l'alimentation. Quant à l'objectif de 20 % de produits bio, il ne porte, lui, que sur 1 % – pour 15 % des surfaces, selon les projections.

Je voulais juste remettre les choses en perspective et exprimer un regret – même si je salue l'avancée, que nous voterons – , relativement à ce que Guillaume Garot défendait, à savoir un programme d'amélioration de l'ensemble de l'alimentation pour tous, négocié avec les filières, non de manière évasive ou sur la base de la seule bonne volonté, mais sur celle d'un engagement contractuel en matière nutritionnelle, sur des sujets comme le sucre ou le gras, par exemple : c'est ce que j'appelle une nourriture de toutes les qualités pour tous.

Si nous en sommes assurément loin, il faut saluer l'effort que représente l'objectif de 20 % de produits bio, même si, dans l'atelier des EGA concerné – où je siégeais avec Célia de Lavergne, qui en était coordinatrice – , l'objectif retenu, quasiment à l'unanimité, était de 30 %. Nous en sommes à 20 % : c'est un premier pas, un progrès qu'il faut saluer.

Ma remarque portera sur ce qui est compris entre 20 % et 50 %, soit la variable de 30 %. Nous parlons ici des produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO – , et – nouveauté du texte – de la certification de niveau 2, au regard du référentiel post-Grenelle. C'est à ce niveau que je ne cesse d'appeler l'attention, et je suis heureux, monsieur le ministre, que vous ayez entendu mon message, tout comme les collègues de la majorité. Le risque, en réalité, est que, in fine, le panier servi dans nos cantines ne soit pas composé de produits bio, locaux, SIQO et de haute valeur environnementale – HVE – de niveau 2, mais que l'on s'en tienne par pragmatisme, eu égard aux difficultés liées à l'approvisionnement, aux filières et aux coûts, à la part normée de 20 % de produits bio, les 30 % qui restent faisant seulement l'objet d'une certification de niveau 2, laquelle correspond à une agriculture raisonnable et sans excès, reconnue dans sa qualité, toutefois bien loin – ou alors nous ne parlons pas de la même chose – de l'agro-écologie que nous appelons de nos voeux.

L'absence de quotité pour les 30 % restants implique que les gestionnaires auraient pu aller, à moins d'être très motivés, vers une forme de banalisation ; auquel cas l'objectif de 50 % aurait en réalité été ramené à 20 %, ce qui n'est pas à la hauteur des enjeux. Nous demandons donc – et nous nous félicitons que la majorité nous ait entendus sur ce point – le passage du niveau 2 au niveau 3, moyennant un délai suffisant, de quelques années. Pour les 30 % de produits concernés, c'est là une perspective qui permettra d'engager une véritable transition écologique. C'est le pas, pragmatique et mesuré, que nous vous demandons d'accomplir. Nous verrons si les amendements de nos collègues nous conviennent et si ceux du Gouvernement sont cohérents à cet égard ; mais nous aimerions franchir cette petite étape dans la dernière ligne droite qui nous réunit aujourd'hui.

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