Intervention de Nicolas Turquois

Séance en hémicycle du jeudi 13 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 11

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

À mes yeux, monsieur le ministre, l'article 11 est le plus important du projet de loi. Il l'est en tout cas symboliquement. Le titre Ier est essentiel pour le revenu des agriculteurs, mais il consiste en une succession de mesures techniques, sans doute peu accessibles au grand public.

L'article 11, en plaçant la qualité alimentaire au coeur de votre projet par l'intermédiaire de la restauration collective, soulève un véritable enjeu. Cet enjeu est d'abord pédagogique, car un signal est envoyé aux consommateurs. Nous parlons souvent, ici, d'alimentation de qualité, mais force est de constater que, pour bon nombre de nos concitoyens – et c'est peut-être un clin d'oeil au regard de l'annonce simultanée du plan pauvreté – , ce sujet n'est pas une préoccupation majeure, pour des raisons qui tiennent à leur budget. Qu'ils puissent avoir accès à une alimentation de qualité, qu'elle soit sous signe d'identification de la qualité ou bio, est déjà un signal très bienvenu.

Le signal a aussi une vertu pédagogique pour nos agriculteurs : il donne la direction vers laquelle notre agriculture doit aller. Peut-être certains s'en souviendront-ils : lors des débats en commission ou en première lecture, je vous avais fait part de ma conviction que l'agriculture française ne peut être compétitive sur des produits de base, sans valeur ajoutée, avec le tout-venant au niveau mondial. J'avais alors évoqué l'exemple du fils de mon voisin, qui travaillait pour une entreprise que vous connaissez, Kuhn, qui vend du matériel agricole. Basé en Russie, il avait pour clients des exploitants possédant entre 50 000 et 80 000 hectares de terres, soit des surfaces sans équivalent en France en termes de productivité.

Cette année, cette personne a repris la ferme familiale, et j'ai eu l'occasion de la rencontrer la semaine dernière. Je lui parlais de son expérience en Russie et du témoignage que j'en avais fait dans cette enceinte. Les surfaces de 50 000 à 80 000 hectares étaient la règle lorsqu'il s'est installé en Russie il y a cinq ans, m'a-t-il répondu. Aujourd'hui, une holding du nom d'Agro Invest gère 500 000 hectares dans ce pays et vient d'investir d'un seul coup, le mois dernier, 60 000 hectares dans la région de Vladivostok. Même si nous doublions la surface de nos fermes – la mienne fait 200 hectares, par exemple – , ce serait encore epsilon par rapport aux surfaces exploitées dans cette agriculture-là, dont les normes de production, en termes de mise en oeuvre des traitements, ne sont même pas imaginables ici.

Un signal tout à fait différent doit donc être envoyé à notre agriculture, et il me semble que l'article 11 développe, sur les produits locaux et de qualité, une véritable vision : c'est en cela qu'il est à mes yeux très intéressant. Cet article, d'ailleurs, sera engageant, avec l'objectif de 50 % de produits sous signe de qualité et de 20 % de produits bio. L'agriculture française doit pouvoir y répondre, et elle aura besoin pour cela de plans d'accompagnement. Vous en avez prévu, monsieur le ministre, et je m'en félicite. Reste que les objectifs fixés, je le répète, sont très engageants pour l'État et les collectivités. Sur le plan du symbole, c'est en tout cas l'article le plus important du projet de loi.

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