Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du vendredi 14 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 14 septies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je précise tout de suite que le sort de ce sous-amendement ne conditionne pas notre vote sur l'amendement qui vient d'être présenté par Mme Batho. Mais il apporte un élément que je crois indispensable, en demandant au Gouvernement de rendre, avant le 1er février 2019, un rapport sur « les mesures techniques et financières qui sont ou seront mises en oeuvre pour accompagner les agriculteurs dans la transition vers des systèmes de production sans glyphosate ».

Cet amendement, monsieur le ministre, a été inspiré par des propos que vous avez tenus le 23 août 2018, à l'antenne d'une radio nationale. Vous avez dit, ce matin-là, tout mettre en oeuvre pour honorer la promesse présidentielle d'interdire le glyphosate d'ici trois ans. « On peut toujours inscrire des objectifs merveilleux dans une loi », avez-vous ajouté, « c'est ce que nous avons fait jusque-là, avec les résultats que l'on connaît. Nous avons pris la décision de ne pas l'inscrire dans la loi, mais au contraire de mettre tout le monde autour de la table. » Vous ajoutez que vous avez constitué un groupe de travail afin de trouver des solutions, en mobilisant notamment les chercheurs, afin de ne pas faire subir uniquement aux agriculteurs le coût de la décision prise de supprimer le glyphosate à l'horizon de deux ou trois ans.

Nous pensons qu'il faut inscrire cette décision dans la loi, et cela ne devrait pas présenter de problème, puisque vous dites vous-même que l'engagement sera tenu. Mais nous ne pouvons pas par ailleurs rester dans le brouillard et ne pas être informés des actions engagées par votre ministère, voire des solutions qui existent déjà.

Un rapport scientifique a notamment été remis par l'INRA – Institut national de la recherche agronomique – le 1er décembre 2017, à M. Nicolas Hulot, alors ministre d'État, ministre de la transition écologique, à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, à Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et à vous-même, monsieur le ministre. Consacré aux usages et aux alternatives du glyphosate dans l'agriculture française, il ouvre des pistes extrêmement intéressantes.

Il précise en particulier qu'il ne s'agit pas de remplacer une molécule par une autre molécule : les solutions alternatives sont des changements des pratiques agricoles, qu'il détaille. Ainsi, le rapport évoque la destruction du couvert végétal par le désherbage mécanique et le travail superficiel du sol, le labour pour assurer la destruction par enfouissement de l'ensemble de la végétation, des stratégies d'évitement partiel – dont le recours au gel hivernal des couverts intermédiaires ou l'utilisation d'agro-équipements spécifiques permettant le hachage de la végétation – , la culture sous paillage ou plante de couverture qui induit une limitation des adventices... Un travail de recherche extrêmement important a donc déjà été réalisé – et je ne prends que l'exemple de l'INRA, mais je suis sûr que d'autres organismes, comme les organisations agricoles, se sont déjà penchés sur le sujet.

Évidemment, ce rapport souligne aussi que l'on peut parfois rencontrer des difficultés, voire des impasses : ce qu'il considère comme tel, c'est « quand la seule alternative envisageable à court terme consiste à réaliser la destruction à la main de la flore vivace ». Mais même dans ce cas, il y aura bien sûr besoin de main-d'oeuvre, mais ce ne sera pas un obstacle si des mesures d'accompagnement, financières notamment, sont prises.

Ces changements sont profonds. Ils coûteront peut-être de l'argent, mais ils sont possibles. Ils demanderont aussi du temps : la conversion en bio se fait sur trois ans, on peut donc imaginer que la sortie du glyphosate pourra se faire en trois ans. Mais cela demandera un accompagnement dans la durée, au-delà de la date fatidique.

Le rapport que demande ce sous-amendement permettra de faire toute la lumière sur les solutions alternatives existantes. Ce rapport nous semble indispensable, mais je le redis, nous n'en faisons pas une condition pour voter l'amendement de Mme Batho.

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