Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, nous voilà réunis une nouvelle fois – et, espérons-le, une dernière – pour terminer le travail très important que nous avons engagé avec les sénateurs et avec vous-mêmes, en commission, depuis le projet de loi dit du « droit à l'erreur », afin que la fraude soit plus durement sanctionnée et l'erreur de bonne foi mieux reconnue. Si l'erreur est humaine, persévérer est diabolique : les deux textes du Gouvernement se complètent efficacement. Je voudrais saluer le travail important qu'ont mené notamment Mme la rapporteure et les membres de la commission des lois, ainsi que la mission d'information sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, présidée par M. Éric Diard, dont je salue la recherche de consensus.

La commission des finances a adopté quatre-vingt-sept amendements, émanant de tous les groupes de l'Assemblée nationale. En s'engageant dans ce débat, le Gouvernement est animé par un état d'esprit constructif, qui pourrait le conduire, je l'espère, à adopter la plupart des amendements présentés par les parlementaires, quelle que soit leur orientation politique. Madame la rapporteure, je crois que les doutes que vous nourrissiez en certains domaines ont été en partie levés en commission. Formons le voeu que, sur un certain nombre d'autres sujets que celui qui a fait la une de l'actualité, à savoir la disparition du « verrou de Bercy », nous puissions, dans les trois jours à venir, travailler pour amender le texte et ainsi le rendre, je l'espère, quasiment parfait avant son retour en commission mixte paritaire et, peut-être, un accord entre les deux chambres.

Ce projet de loi est porteur d'enjeux budgétaires, philosophiques et techniques. S'agissant des enjeux budgétaires, j'ai eu l'occasion, très récemment, conformément à l'engagement que j'avais pris lors de la discussion du précédent projet de loi de finances, de travailler sur l'objectivation du montant de la fraude fiscale et sociale dans notre pays. Vous avez sans doute entendu l'annonce que j'ai faite à ce sujet à Bercy. Même si les estimations varient beaucoup, nous savons que ce montant est considérable : il serait compris entre 40 et 100 milliards. En 2017, un syndicat évoquait le chiffre de 80 milliards. Cela tombait bien, c'était le montant du déficit public. Et cette année, alors que la presse évoquait un déficit de 100 milliards, le même syndicat portait son estimation au même montant... Comme si nous n'avions pas, par ailleurs, à réaliser des économies et des transformations, comme si lutter contre la fraude suffisait à notre bonheur budgétaire. C'est évidemment faux, même si la naïveté est également à exclure : nous devons tous ensemble mener des politiques publiques pour lutter contre toute forme de fraude, et particulièrement contre les grands fraudeurs.

Ce texte soulève également des enjeux philosophiques. En commission comme au Sénat, nous avons travaillé non pas sur la meilleure politique fiscale à engager pour notre pays – ce n'est pas l'objet du présent texte : c'est le projet de loi de finances qui sera le cadre de ce débat politique – mais sur la manière de lutter plus vigoureusement contre la fraude, fiscale notamment, mais également sociale. Le Gouvernement a pris à cette fin un certain nombre d'engagements, et des amendements ont été adoptés par les sénateurs et, surtout, par les députés. La question du verrou de Bercy est, pour ainsi dire, réglée. Madame la rapporteure, j'aurai l'occasion de m'exprimer, comme je l'ai fait en commission, pour évoquer les sujets liés à la circulaire que nous cosignerons avec Mme la garde des sceaux, qui constituera d'une certaine façon le pendant, en matière réglementaire et sur le plan de la politique administrative, du vote que fera peut-être votre assemblée sur la fin du verrou de Bercy.

Des questions importantes sont en jeu autour de la police fiscale. Les dispositions ont été supprimées au Sénat, et vous en proposez le rétablissement. Je suis prêt à apporter d'autres engagements pour compléter utilement le dispositif : il ne s'agit pas d'inciter à une sorte de guerre des polices, mais d'offrir une arme supplémentaire aux magistrats, qui auront la possibilité de saisir un corps nouveau. Je rappelle en effet que, si ces policiers fiscaux seront placés sous l'autorité du ministre de l'action et des comptes publics, ils ne pourront être saisis que par les magistrats, de la même façon que ces derniers peuvent actuellement saisir le service des enquêtes douanières, qui dépend du ministère de l'action et des comptes publics, ou les services de police, qui relèvent de l'autorité du ministre de l'intérieur. Il ne s'agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais de compléter le panel des dispositifs juridiques dont disposent nos magistrats dans la lutte contre la fraude.

Des difficultés importantes se posent également dans le domaine des plateformes. Nous aurons l'occasion de discuter de l'amendement de Mme la rapporteure et de celui proposé par le Gouvernement. Votre assemblée demande davantage de cohérence dans les politiques publiques menées en cette matière – je pense au fameux amendement Cherki, sous la législature précédente, qui n'avait toutefois pas fait l'objet, à notre arrivée, d'un décret d'application. Les sénateurs comme les députés, sur tous les bancs, multiplient les interpellations quant au fait que le monde physique, on s'acquitte de ses obligations fiscales, mais que dans la sphère numérique on y échappe.

Notons que le partage, lui, ne doit pas être soumis à imposition. Je rappelle, après quelques entreprises de déformation, qu'il ne s'agit pas d'imposer là où cela n'a pas lieu d'être. Il ne s'agit pas de fiscaliser la vente de la poussette qu'Éric Woerth, peut-être, opère sur un site bien connu, et que Charles de Courson, par exemple, pourrait acheter. J'aurais aussi bien pu parler de bilboquets, d'ailleurs...

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