Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Merci, monsieur le président.

Ces articles 9 et 9 bis sont donc totalement contradictoires avec l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Ils affaiblissent l'effet dissuasif d'un procès, et constituent la raison principale pour laquelle nous demandons le renvoi de ce texte en commission. Nous ne pourrons pas voter ce texte s'il contient ces deux articles.

Avant de conclure, je voudrais remercier les associations qui oeuvrent en matière de fraude et d'évasion fiscales, qui sont d'ailleurs assez critiques vis-à-vis de ce projet de loi, notamment Oxfam, qui au cours de plusieurs auditions a proposé des pistes intéressantes, et ATTAC, qui mène en ce moment une campagne intitulée « Pas avec notre argent ! » Je regrette d'ailleurs ici que des actions non violentes aient donné lieu à des arrestations de militants ce week-end.

Pour terminer, je dirai que cette loi pourra se révéler utile si elle est amendée dans le bon sens, mais qu'elle ne servira à rien tant que nous demeurerons dans le cadre des traités européens.

Alors que l'article 93 du Traité instituant la Communauté économique européenne dispose que l'unanimité des États membres est nécessaire pour empêcher l'optimisation fiscale, l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet à un des États membres de désobéir et d'organiser la fraude fiscale, tout en restant au sein de l'Union. Nous envoyons là un message terrible aux entreprises, comme aux plus riches de nos concitoyens. Par ces dispositions, l'Union européenne apparaît comme un cheval de Troie, permettant l'optimisation fiscale à très grande ampleur.

Ces traités, cette non-harmonisation fiscale, cette concurrence entre les différentes fiscalités permettent aussi, malheureusement, une course au moins-disant fiscal. En moyenne, entre 2010 et 2016, les pays européens ont diminué de plus d'un quart le taux de leur impôt sur les sociétés, le taux moyen étant passé de plus de 32 % à 23 %.

Je rappelle d'ailleurs que, lors du débat sur le dernier projet de loi de finances, M. le ministre de l'économie et des finances avait expliqué qu'une des raisons pour lesquelles il fallait baisser l'impôt sur les sociétés en France, était justement de pouvoir continuer à être concurrentiel par rapport aux autres États de l'Union européenne. Il y a bien là une course au moins-disant, qui constitue un problème majeur car ces impôts qui ne rentrent pas appauvrissent toute la collectivité, tout en limitant le partage des richesses.

Tant qu'une rupture globale avec ce dumping fiscal n'aura pas eu lieu, tant que cette politique qui vous a amenés à octroyer 9 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus riches sera en vigueur – la fraude fiscale ne sera d'ailleurs bientôt plus nécessaire, car les riches paieront tellement peu d'impôts que la meilleure manière de frauder sera simplement d'obéir à la loi ! – , tout projet de loi tel que celui-ci, en dépit des quelques progrès qu'il apporte, ne sera malheureusement qu'une rustine sur un pneu crevé.

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