Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Je remercie donc tous les collègues, y compris ceux de La France insoumise, qui ont participé à ces travaux.

Face à la menace contre le pacte républicain et le contrat social que constitue la fraude, ce projet de loi visant à renforcer l'efficacité de la lutte contre celle-ci, qu'elle soit fiscale ou douanière, voire sociale, va dans le bon sens, en particulier sur le verrou de Bercy, sur la détection des fraudes ou sur la question de la police fiscale. Néanmoins, nous restons réservés en ce qui concerne les conventions judiciaires d'intérêt public et la procédure de plaider-coupable.

Sur l'aménagement du dispositif dit du « verrou de Bercy », après la mobilisation de députés de tous bords il y a un an, nous sommes très heureux – je le suis tout particulièrement, car je siège depuis vingt-cinq ans dans cette assemblée et je me suis battu pendant des années en pure perte pour le réformer voire le supprimer – que l'amendement de Mme la rapporteure ait permis d'aboutir à une solution équilibrée qui renforce les prérogatives de la justice en matière de déclenchement des poursuites contre les infractions relevant de la fraude fiscale. Grâce notamment à Laurence Vichnievsky, nous avons d'ailleurs contribué à l'amélioration du dispositif en fixant, dans la loi, le seuil de 100 000 euros de pénalités pour la transmission automatique des dossiers au parquet.

Tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale ont convergé pour toiletter un système de poursuite pénale de la fraude fiscale qui datait des années 1920, était soumis à l'exigence d'une plainte préalable et, depuis 1977, à un avis conforme de la Commission des infractions fiscales. Nous tenons à souligner que, sur ce sujet, le Parlement, son travail et ses droits ont été respectés – c'est tellement rare...

Néanmoins, nous aurions souhaité que la solution aille jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la suppression de la Commission des infractions fiscales. Dans le système actuel, je vous le rappelle, celle-ci bloque à peine 4 % des dossiers qui lui sont confiés. Dans le cadre du nouveau dispositif législatif, elle ne servira plus à grand-chose, puisqu'elle ne bloquera plus que quelques très rares dossiers. Il faudra donc un jour envisager de supprimer cette procédure, qui me paraît très lourde.

Ensuite, ce projet de loi contribuera également à l'amélioration de la détection des fraudes grâce aux échanges d'informations, ce qui est une excellente nouvelle. Il renforcera les prérogatives des services douaniers. Les sanctions seront également plus dissuasives grâce aux nouveaux mécanismes de publication, pour les sanctions tant administratives que pénales. Les sanctions des infractions fiscales liées à différents montages financiers seront elles aussi plus dissuasives.

Par ailleurs, les services des douanes disposeront de moyens renforcés en matière de lutte contre la contrebande fiscale, plus particulièrement contre la contrebande de tabac. Des dispositions ont été introduites en ce sens lors des débats, mais nous aurions pu, là encore, aller plus loin, monsieur le ministre. Je tiens à signaler qu'il existe un vrai problème d'importation de tabac depuis l'Algérie. Or, en l'espèce, monsieur le ministre, il n'y a pas besoin des dispositions de ce texte : le problème relève davantage d'une action diplomatique visant à bloquer ces importations, qui arrivent pour l'essentiel par le port de Marseille.

Concernant la création d'une police fiscale rattachée à Bercy, nous ne croyons pas que cela donnera lieu à une « guerre des services » avec la BNRDF, la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, qui est, elle, rattachée au ministère de l'intérieur. Je pense au contraire que les magistrats sauront parfaitement quel service saisir en fonction de la nature des dossiers ; ils le font déjà dans d'autres domaines. C'est la mise en commun des différentes compétences, entre services fiscaux et services judiciaires, qui permettra d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale.

Autre sujet important, évoqué par de nombreux collègues : les plateformes et leur fiscalité. On le voit bien, le dispositif actuel ne fonctionne pas. Il existe une grande diversité de situations économiques, et nous devons adapter notre fiscalité pour assurer l'équité entre entreprises, d'une part, et entre citoyens, d'autre part, tout en soutenant les start-up françaises afin d'éviter un phénomène d'éviction des utilisateurs vers des plateformes établies à l'étranger, bien moins respectueuses de l'État de droit. C'est pourquoi nous étudierons avec attention les solutions qui seront proposées à l'article 4 par le Gouvernement et Mme la rapporteure en séance publique.

Sur cet enjeu plus large de la numérisation de l'économie, nous plaidons depuis de nombreuses années pour une harmonisation européenne. C'est d'ailleurs le sens des propositions formulées par nos collègues Bénédicte Peyrol et Jean-François Parigi dans leur rapport. Nous les soutenons, notamment en ce qui concerne le projet d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, ACCIS, présenté par la Commission européenne, et la notion d'établissement stable virtuel. Pour éviter toute ambiguïté s'agissant de ces plateformes, il convient de distinguer clairement celles qui rapprochent une offre et une demande sans donner lieu à aucun enrichissement, par exemple BlaBlaCar, de celles qui peuvent éventuellement entraîner un enrichissement de l'une des parties, par exemple Airbnb – ceux qui l'utilisent pour louer leur bien réalisent un bénéfice, a fortiori s'ils le font de manière systématique.

Nous nous réjouissons également de l'adoption de la procédure du name and shame, que nous avions d'ailleurs suggérée. Elle a été élargie aux personnes physiques grâce à un amendement de notre collègue Éric Coquerel. Sur un ton plus léger, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il serait temps de mettre en place ce name and shame en cas d'absence de réponse des ministres aux questions écrites des parlementaires ?

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