Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Ce serait assez amusant... Vous n'êtes d'ailleurs pas concerné, monsieur le ministre ; je parle « des » ministres, au pluriel.

Après avoir distribué tous ces bons points, si je puis dire, j'en viens maintenant aux deux points de divergence que nous avons sur ce texte : nous considérons que l'extension des conventions judiciaire d'intérêt public et celle de la procédure dite de plaider-coupable en matière de fraude fiscale présentent des risques de dérapage.

L'extension à la fraude fiscale de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, dite encore plaider-coupable, risque de conduire à un affaiblissement de la répression pénale de la fraude. En effet, contrairement à ce qui est prévu dans le droit commun, à savoir que tous les délits ou crimes sont soumis à la justice, les poursuites pénales pour fraude fiscale ne concernent que les faits les plus graves. Or la procédure de la CRPC n'est pas sérieusement concevable pour de tels faits. De plus, la fraude fiscale nuit à l'ensemble de la collectivité, alors que ce n'est pas toujours le cas lors d'un conflit entre deux personnes privées.

En la matière, j'ai un point de divergence avec M. Woerth : je ne pense pas que le bon recouvrement de l'impôt soit la priorité numéro un, ainsi qu'il l'a déclaré au cours de son intervention. La productivité fiscale est, certes, un critère dans le combat contre la fraude fiscale, mais il doit venir en second par rapport au devoir d'exemplarité. Car, sinon, que dira-t-on ? Qu'il y a, une nouvelle fois, la justice des riches ou des puissants et la justice des pauvres – je ne dirai pas « des misérables », car ceux-ci ne sont pas concernés par ces affaires – ou, disons, la justice pour les gros poissons, d'une part, et la justice pour les petits et moyens poissons, d'autre part, ce qui ne serait pas une bonne chose pour l'équilibre politique de notre pays.

Le même problème se pose concernant la possibilité de recourir à des conventions judiciaires d'intérêt public en matière de fraude fiscale : le risque est grand de se retrouver avec une justice à deux vitesses. Les plus gros plaideront coupables, car leur souci est d'éviter non pas le paiement de fortes amendes, mais bien la dégradation de leur image lors d'un procès public, long et détaillé. Certes, des protections existent – lourdes amendes, publication des noms des personnes morales impliquées, redressement de l'impôt... – , mais ces mesures sont dépourvues du caractère exemplaire de la sanction pénale.

Les arguments que l'on nous a opposés lors de l'examen en commission concernant les moyens de la justice, l'accélération des procédures ou les recettes générées ne sont guère acceptables si l'on se place du point de vue de la cohésion sociale. L'égalité de tous les citoyens devant la loi doit l'emporter sur toute autre considération.

Pour conclure, je souligne que la grande fraude, c'est la fraude internationale, organisée et pensée pour se soustraire à grande échelle à l'impôt. Face à ce fléau, mes chers collègues, la solution ne peut être qu'internationale et multilatérale. Il nous faut une coordination européenne, au moins, ou au sein de l'OCDE, même s'il existe aujourd'hui des cas de mauvaise application du système d'échange de données, notamment entre la France et les États-Unis dans le cadre du FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act. Sur ce sujet, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts pour obtenir de nouveaux progrès dans les années à venir.

Comme vous le constatez, nos points de convergences sont beaucoup plus nombreux que nos réticences. Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer et en l'état actuel du texte, nous voterons le projet de loi.

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