Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

C'est vous qui avez choisi de n'inscrire que ces pays-là sur la liste !

Par curiosité, j'ai cherché à connaître le palmarès de l'évasion fiscale dans ce territoire de contrebande si redouté, ainsi qu'à Niue et Nauru. Voilà ce que m'a répondu l'expert sollicité, Gabriel Zucman, professeur d'économie en Californie : « Il n'y a pas de données parce qu'il ne se passe rien de significatif dans ces territoires ». Pour reprendre la formule d'un ancien président de la République, « notre maison finance brûle et nous regardons ailleurs ».

Nous regardons ailleurs alors que les places fortes de l'évasion fiscale sont parfaitement identifiées. Elles sont tellement bien identifiées que selon de nombreuses, associations dont Oxfam, si l'Union européenne appliquait objectivement ses critères, trente-cinq États et territoires mériteraient de figurer sur la liste, dont bien sûr la Suisse, l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, Malte, ou encore le fameux petit État américain du Delaware, et la commune de Wilmington: ville de 71 000 habitants célèbre pour son immeuble de deux étages et ses 285 000 boîtes aux lettres, aux noms d'Apple, Google, American Airlines, Coca-Cola, General Electric, j'en passe et des meilleures.

Comment votre projet de loi pourrait-il être crédible quand il passe si loin de la réalité? Quel signal allez-vous encore envoyer à nos concitoyens concernant cette Union Européenne qui demande aux États et à nous-mêmes de nous serrer la ceinture mais refuse de s'attaquer aux paradis fiscaux bien connus qui siphonnent nos budgets ? Il faut oser sanctionner sévèrement les pays membres de l'Union européenne qui ne jouent pas le jeu de la justice fiscale et qui volent sans honte les recettes de leurs voisins, les nôtres en l'occurrence.

Sur ce point aussi, nous ferons des propositions, notamment sur la gradation des sanctions en fonction des territoires. Nous reprendrons d'ailleurs beaucoup de dispositions qui figuraient dans la proposition de loi sur les paradis fiscaux que j'ai défendue en mars.

La lutte contre l'évasion et la fraude fiscales méritent mieux qu'une réformette. Elle nécessite des moyens humains en nombre, pour les douanes, nos tribunaux, nos services fiscaux. Elle doit être inscrite dans la Constitution au même titre que la lutte pour le climat. Elle doit aussi faire l'objet d'une mobilisation internationale au sein de l'ONU. Nous avons déjà proposé à deux reprises l'organisation d'une COP fiscale. Qu'attend le Président de la République, qui passe beaucoup de temps à l'étranger, pour réclamer une telle conférence ?

La France doit demander à l'ONU de se saisir de ce fléau. À ce jour, il n'y a pas un seul service, pas un seul agent de l'ONU qui s'attaque aux paradis fiscaux. En l'état, le dispositif que vous nous proposez est à nos yeux clairement insuffisant. Nous avons déposé cinquante et un amendements, dans le droit fil du travail que nous menons sur le sujet depuis des années : comptez sur nous pour les défendre !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.