Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, en s'affranchissant de la loi, la fraude porte atteinte aux recettes de l'État ; en se plaçant en dehors du droit, le fraudeur porte atteinte au contrat social ; en renforçant les inégalités, au mépris de notre devise républicaine, le fraudeur, coupable égoïste, fait payer toute la société.

Disons-le tout net : en tant que représentants de la nation, nous ne pouvons demeurer spectateurs de ce fléau. Je me réjouis de voir que c'est ce que vous avez souhaité, monsieur le ministre : une lutte sans merci, immédiate et moderne. La fraude et l'art ont un point commun : la créativité des auteurs. C'est pourquoi il faut en permanence réajuster les moyens et les outils de lutte mis à disposition.

Vous avez très vite annoncé ce projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et sociale que nous commençons à discuter ce soir. Il s'agit d'un texte complet et équilibré, d'un texte qu'il faut lire à la lumière de la loi ESSOC dite du droit à l'erreur, qui a engagé une transformation dans la relation administration-administré en replaçant au centre la relation de confiance.

Notre action n'est ni un saupoudrage ni un traitement cosmétique. Notre action fait système, notre action se fonde bien sur le « en même temps » : d'un côté, un État qui conseille et qui accompagne plutôt que de sanctionner, qui s'adapte aux circonstances locales et aux besoin des citoyens, un État qui tolère l'erreur commise de bonne foi, capable de pardon ; de l'autre côté, un État sans états d'âme face aux fraudeurs et qui les sanctionne sans aucune complaisance.

Les destinataires de ce texte ambitieux sont nombreux.

Premièrement, votre administration, monsieur le ministre, à travers l'affectation d'officiers fiscaux judiciaires au sein du ministère du budget afin d'accroître les capacités d'enquête et les moyens alloués à la lutte contre la fraude mais, aussi, à travers la facilitation des échanges de données entre administrations. Nous avons pu le constater la semaine dernière, lors du colloque qui s'est tenu à Bercy à votre initiative, leur expertise dans ce domaine est avérée. Les agents se sont d'ores et déjà appropriés des outils comme l'intelligence artificielle et les outils prédictifs. Ils les ont placés au coeur de leurs métiers et souhaitent continuer à aller de l'avant.

Deuxièmement, les Français. Ces derniers sont modernes et utilisent de plus en plus les plateformes de l'économie collaborative et numérique. S'ils embrassent la modernité, notre politique fiscale doit en faire de même. La transmission de leurs données d'utilisateurs par les plateformes d'économie collaborative répond directement à cet objectif.

Ces nouvelles dispositions ne doivent effrayer ni les Français, ni les acteurs économiques. Elles distinguent nettement ce qui relève de pratiques quasi professionnelles des ventes de particulier à particulier en ligne mais, aussi, des pratiques de co-consommation. Ces dispositions devraient permettre de rétablir une certaine équité fiscale entre entreprises du secteur traditionnel et du secteur du numérique.

La levée du verrou de Bercy les concerne également. Nous sommes nombreux sur ces bancs à avoir constaté l'intérêt de nos concitoyens pour ce sujet.

Ce texte traite aussi du sujet épineux et médiatique des paradis fiscaux. J'ai un regret à ce propos : les discussions se focalisent trop souvent sur la seule liste des États et territoires non coopératifs dits ETNC alors que nous disposons d'autres outils extrêmement efficaces pour lesquels il faudrait faire au moins autant de bruit. J'ai d'ailleurs proposé des amendements, acceptés par notre commission, afin qu'ils soient renforcés.

Quand il s'agit de sujets si importants, sortons de nos positions d'histrions et adoptons des positions franches qui éclairent des débats souvent sibyllins pour nos concitoyens !

Je l'ai dit la semaine dernière à l'occasion de la présentation de mon rapport sur l'évasion fiscale internationale des entreprises : il me semble que nous devons réfléchir sur le plan européen à un accompagnement des Etats membres de l'Union européenne dont les pratiques fiscales sont dommageables vers une transition de leur économie qui ne soit plus fondée uniquement sur des services financiers mais sur des industries réelles.

Enfin, terminons par les chiffres, en particulier ceux qui sont brandis pour dénoncer nos choix politiques, ces chiffres qui ne font pas l'objet du nécessaire effort intellectuel pour savoir ce qu'ils recouvrent vraiment non plus que d'une interrogation sur les méthodes employées puisque d'aucuns préfèrent les effets médiatiques ou rhétoriques.

Mettons fin à cette illusion et à cette guerre vertigineuse de zéros si l'on considère avec sérieux les écarts de montants ! Pour pouvoir faire de la bonne politique, il faut dire la vérité, ne pas spéculer pour pouvoir fixer le bon curseur d'action publique !

C'est dans cette perspective, monsieur le ministre, que vous avez annoncé la semaine dernière la création d'un observatoire associant des statisticiens et des ONG pour produire une estimation officielle. Je m'en réjouis d'autant plus que c'est l'une des quinze propositions phares de mon rapport d'information sur l'évasion fiscale internationale des entreprises, que j'ai présenté la semaine dernière.

La lutte contre la fraude doit être menée sans relâche, car elle brise la solidarité nationale et constitue l'une des sources de la montée des populismes. En parallèle, nous devons également lutter contre l'évasion fiscale internationale, qui a fait l'objet de mon rapport. Les dispositions relatives à l'évasion fiscale n'ont pas été incluses dans ce projet de loi, car le Gouvernement a fait le choix de distinguer clairement la fraude de l'optimisation. Mais donnons-nous rendez-vous pour examiner cette question à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

Ce combat doit se faire au niveau européen, et nous y prendrons part au côté du Président de la République, lui qui a rappelé, dans son discours de la Sorbonne, qu'il s'agissait là d'une condition de notre souveraineté européenne.

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