Intervention de Émilie Cariou

Séance en hémicycle du mercredi 19 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ces amendements réécrivent totalement l'article 13. Après avoir écouté les différents orateurs, je veux réexpliquer le fonctionnement global du système. Tout d'abord, nous partons de ce qu'il est convenu d'appeler le « verrou de Bercy », soit le monopole du ministère du budget en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale. Autrement dit, le ministère du budget est le seul habilité à ouvrir une plainte en ce domaine.

Une mission d'information sur le sujet, présidée par Éric Diard et associant tous les groupes qui en ont alimenté les travaux, a oeuvré dans d'excellentes conditions, nous inspirant dans la recherche d'une solution. L'article 13 apporte ainsi plusieurs modifications au système. D'une part, le parquet pourra engager les poursuites en matière de fraude fiscale pour les dossiers qui lui seront transmis par l'administration fiscale, en vertu de critères objectifs spécifiés dans le projet de loi : des droits éludés supérieurs à 100 000 euros, en plus de pénalités de 80 % ou d'une réitération des pénalités de 40 %.

Je suis désolée de vous le dire, mes chers collègues, mais il me semble que beaucoup d'entre nous connaissent mal la procédure de contrôle fiscal. Je vous renvoie donc, sur ce point, au rapport de la mission d'information, notamment dans ses pages 19 et 20. Le contrôle fiscal, en effet, n'est pas du ressort du juge, qui au demeurant ne réclame nulle prérogative en la matière. Ce contrôle dépend de l'administration fiscale, donc du ministère du budget : il en va exactement de même pour l'inspecteur du travail et l'inspecteur des douanes dans leurs missions respectives. À l'issue du contrôle fiscal sont notifiés des redressements, autrement dit des surcroîts d'impôt, les « pénalités » de 80 % et de 40 % sanctionnant, elles, l'intentionnalité de frauder le fisc.

Quelque 50 000 contrôles fiscaux sont réalisés chaque année. Et l'administration fiscale, c'est l'un de ses objectifs, assure le suivi des contrôles, ce qui a aussi un effet dissuasif. Ces contrôles ne sont donc pas seulement destinés à traquer la fraude, mais aussi à corriger les éventuelles erreurs déclaratives. De fait, le droit fiscal est loin d'être binaire : très complexe, il est souvent sujet à interprétation. Aussi certains des 50 000 dossiers donnent-ils lieu à des pénalités : ce sont sont les dossiers les plus graves, qui révèlent une intention de fraude, que ce soit par un montage, des fausses factures, de fausses identités ou des structures intermédiaires. Les pénalités de 80 % sanctionnent des manoeuvres frauduleuses, et celles de 40 %, des manquements délibérés. Les critères que nous avons fixés, je le répète, sont cumulatifs – 100 000 euros, plus les pénalités. Ils visent par conséquent les cas les plus graves.

Saisi d'une QPC, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2016, a bien précisé, en effet, que les sanctions pénales devaient être réservées aux cas les plus graves, dès lors que l'on ne peut être sanctionné deux fois pour la même infraction. La sanction initiale, c'est donc bien le fisc qui l'applique via les redressements et les pénalités afférents ; les poursuites pénales viennent en surplus pour les cas les plus graves. Le Conseil constitutionnel nous a rappelé le droit sur ce point et, si nous ne le respections pas, la Cour européenne des droits de l'homme nous le rappellerait à son tour, comme elle le fit naguère sur des sujets tels que l'Autorité des marchés financiers.

Beaucoup se nourrissent de symboles. Mais le problème est que nous écrivons la loi, une loi qui sera mise en application. Nous ne pouvons donc nous contenter de symboles. Nous écrivons, je le répète, le droit positif qu'appliqueront les services et l'administration fiscale.

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