Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mardi 18 septembre 2018 à 18h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Vous soulevez des questions importantes. Nous consommons, incontestablement, des aliments trop gras, trop salés et trop sucrés, ce qui a des conséquences directes sur l'espérance de vie, mais aussi sur les comptes publics. Pour autant, la situation française est plus favorable que celle d'autres pays occidentaux. Malgré tout, la prévalence de l'obésité augmente depuis les années 80. En 2014, la moitié de la population française était en surpoids et un sixième était obèse. Cette évolution est visible dans la segmentation même des magasins de vêtements, parmi lesquels on voit proliférer les enseignes réservées aux grandes tailles. !

S'agissant de la transparence de l'étiquetage, le Gouvernement a fait la promotion du Nutri-Score, dont l'arrêté a été signé le 31 octobre 2017, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l'économie et des finances. C'est un dispositif reposant sur le volontariat, qui va plus loin que le règlement européen en vigueur. De grandes entreprises l'ont adopté. Plusieurs enseignes le demandent. Nous souhaitons le promouvoir. Santé publique France a réalisé une campagne nationale, à destination du grand public, entre le 7 et le 18 mai 2018.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes également en train de réviser la charte du CSA sur le marketing alimentaire, qui devrait être adoptée dans les prochaines semaines. Nous voulons mieux surveiller et mieux étendre nos dispositifs aux nouveaux canaux de communication, sur internet, étant donné que nos pratiques audiovisuelles ont évolué. Nous sommes très en pointe sur ces sujets avec le CSA. Suite au rendez-vous de la semaine passée, nous aurons l'occasion d'en discuter en réunion interministérielle prochainement, pour définir des positions.

Il existe aussi une nouvelle génération d'engagements pris par les industries agro-alimentaires, ceux qui ont été pris dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), ainsi que les engagements collectifs. Par ailleurs, j'ai rappelé ce qu'a fait l'ANIA dans son document « 1 000 jours pour manger mieux ». Je souhaite que les engagements soient réellement suivis, et je m'engage à y veiller scrupuleusement. Nous devrons également travailler à la définition des seuils réglementaires en sel et en sucres, dans un cadre interministériel, comme je l'ai dit précédemment.

Vous avez également évoqué les scandales sanitaires et les contrôles de la chaîne alimentaire. Clarifier les missions entre les ministères est une recommandation récurrente, notamment dans les rapports parlementaires. La question m'a ainsi été posée par la commission d'enquête sur les suites de l'affaire Lactalis. Elle figure aussi dans les rapports de la Cour des comptes sur la sécurité sanitaire des aliments.

Sur ce sujet, des travaux sont engagés avec les administrations concernées pour identifier les domaines dans lesquels nous agissons en doublon – ce qui peut arriver lorsque des administrations travaillent sur des périmètres très larges – et les angles morts, afin d'améliorer l'effectivité du service public.

Nous pouvons évoquer certains de ces scandales alimentaires, tels ceux de la viande de cheval ou encore du Fipronil. Il s'agit en fait de fraudes, pas de manipulations par les industries agroalimentaires. Ces pratiques n'entrent pas, bien heureusement, dans la pratique courante des opérateurs que nous connaissons. La réglementation européenne prévoit un « paquet hygiène » qui précisera les règles de sécurité. Les dispositifs existants permettent aux services de l'État de vérifier que les professionnels mettent en place les mesures suffisantes pour assurer la salubrité des produits qu'ils mettent sur le marché : agrément des établissements et inspections. Les résultats de ces inspections sont disponibles sur une application et un site internet, Alim'confiance. Je vous invite à télécharger cette application qui permet de vérifier, lorsque vous allez dans un restaurant, s'il a été contrôlé, de quelle manière, et si le résultat s'est avéré bon, satisfaisant ou médiocre.

La surveillance de la chaîne alimentaire regroupe tous les plans de surveillance réalisés grâce aux prélèvements. S'agissant des fraudes, la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires du ministère de l'agriculture est spécialisée dans ce domaine.

En outre, le projet de loi sur lequel nous avons travaillé tire les leçons de l'affaire Lactalis, en garantissant un niveau d'information des services de contrôle par les professionnels suffisant en cas d'aléa sanitaire, et une meilleure fiabilité des analyses effectuées par les observatoires.

L'étiquetage nutritionnel est obligatoire depuis 2016 pour les produits préemballés. Il convient peut-être de faire évoluer les pratiques et les systèmes, mais cela se fait entre États, au niveau européen.

S'agissant de l'éducation et de la formation, un bon nombre d'établissements forment les agriculteurs à la transition agro-écologique que nous appelons de nos voeux. J'ai été pendant cinq ans président du conseil d'administration d'un lycée agricole où nous avons réalisé la conversion à l'agriculture biologique. Il est évident que la formation des élèves s'est adaptée. Cette forme d'agriculture est intégrée dans les référentiels des diplômes délivrés par le ministère de l'agriculture. Tout cela a été engagé dès 2008 et conforté par le plan « Agriculture biologique horizon 2012 » porté par mon prédécesseur. Le programme « Ambition bio » que nous avons lancé a réitéré cette volonté, en fixant l'objectif d'intégrer toute l'agriculture biologique dans les référentiels par la démarche « produire et enseigner autrement », qui s'inscrit dans le projet agro-écologique du ministère.

L'objectif de ces dispositifs est d'adapter les enseignements et les pratiques pédagogiques à la complexité des systèmes de production et de décision en agriculture biologique, pour des approches comparées plutôt que la simple connaissance de modèles. Il est indispensable de prendre en compte cette transition. Nous le faisons depuis 2008 et nous demeurons très précautionneux quant à la manière d'enseigner l'agriculture que nous connaissons en France. Il y a l'agriculture biologique, l'agriculture raisonnée et une multitude de pratiques agronomiques, que nous devons aussi enseigner. Nous allons inscrire dans les référentiels toutes les pratiques qui permettent de supprimer le recours aux produits phytosanitaires. Je reconnais que nous pouvons avoir des divergences sur les moyens de parvenir à ces objectifs de diminution et de suppression des produits phytosanitaires, mais l'objectif nous est commun, et c'est heureux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.